Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

24oct/10Off

Le petit peuple de l’herbe

Tout un cortège d’espèces est en passe de disparaître d’une région à laquelle on attribua longtemps une spécificité herbagère et parfois bocagère.

La Bergeronnette printanière

Il faut une oreille exercée, pour percevoir l’appel, bref, bi-syllabique, provenant d’un ondoiement d’orge ou de blé en herbe. On ne saurait imaginer qu’un tel son suffise à délimiter le territoire d’un de nos plus attachants passereaux : la Bergeronnette printanière Motacilla flava.

Bergeronnette printanière/mâle

Bergeronnette printanière/femelle

Le son, et l’oiseau, sont comme happés par la verdure frissonnante, soumise aux indécisions éoliennes, et tiraillée entre le vert tendre et le bleu turquoise. C’est seulement à la fin d’une quête opiniâtre que l’œil accède à ce qui devient progressivement une évidence. Le soleil renvoie un éclat d’or de l’insignifiante dimension d’un écu. Après que vous vous êtes donné une vraie peine pour la dénicher, comme à plaisir, la « tache » se matérialise. L’élan d’une brise la dépose sur le câble téléphonique ou électrique à l’aplomb de la route. De là, son chant, n’en devient pas pour autant beaucoup plus audible.

La Bergeronnette printanière porte sur son dos les couleurs de son nom.

Elle devait vous tourner le dos pour que vous ne l’eussiez point remarqué immédiatement.

En principe, comme tous les passereaux de la prairie - son fief originel - elle se poste sur une plante haute d’où elle surplombe l’océan d’herbe. De là elle communique, à l’instar d’un sémaphore, poitrail jaune au vent qui porte l’appel ténu. La prairie présente encore parfois cette variété végétale, où un rumex, un chardon, une euphorbe, parmi d’autres, feront office d’observatoire. Par définition, uniformes dans leur monospécificité, le blé ou l’orge, dans toute leur rafraîchissante jeunesse herbacée, ne supportent pas qu’on les dépasse de la tête. N’y trouvant plus son compte d’herbes variées, la Bergeronnette printanière s’est adaptée un temps à la nouvelle Dombes. Une jachère ? Elle s’en satisfaisait. Mais, en son subtil habit qui lui confère selon son humeur, une distinction discrète ou un éclatant appel vers le soleil et la vie, elle est bien en train de nous abandonner.

Les longues prairies qui bordent la Saône constituent un des réservoirs de l’espèce. Mais sa situation, ainsi que celle du cortège auquel elle appartient n’y est pas stabilisée.

Population : à la limite de l’extinction en Dombes : quelques couples à quelques dizaines de couples. Le déclin se précise à la fin des années 1990. Une belle population se maintient dans les prairies du Val de Saône

Le Bruant proyer : disparu

Le Bruant proyer Miliaria calandra est totalement inféodé à la prairie, sèche ou modérément humide. Il subsiste là où la grande plaine céréalière a l’heur de lui laisser quelques haies rabougries, ou lorsque encore, câbles électriques et grillages des bords d’autoroutes, perchoirs étirés à l’infini, il peut la dominer du corps et de la voix. Son chant fait frissonner l’ornithologue et le mélomane : le premier est sous le charme des ambiances et des vastes horizons qu’il évoque, le second perçoit un son à des années lumières des vocalises d’un rossignol : grinçant, comme l’évocation d’une mécanique grippée. Un ramage qui en tout point se rapporte à son plumage. Et pourtant, pour le Naturaliste encore, quelle sensation lorsque ce gros moineau, vaguement alouette, s’élance en un vol nuptial approximatif, balourd et rigide, les ailes vibrant au tempo de ses grincements vocaux, les pattes, presque trop fines, pendant jusqu’à le rattraper de justesse sur un rumex ou un chardon.

Population actuelle : les dernières citations régulières du Bruant proyer en tant que nicheur en Dombes datent du milieu des années 1990 ; quelques chants annuels, aucune preuve de reproduction récente. Ses effectifs régressent sérieusement dans la Plaine de l’Ain. Une belle population en Val de Saône.

L’Alouette des champs

Alouette des champs

Alouette des champs

Par excellence l’Alouette des champs Alauda arvensis est l’hôte de l’espace. Elle qui ne se perche que rarement a besoin de s’élever plus haut que tout autre pour lancer son chant soutenu à la limite de la perte de son souffle. A l’instar des de la Bergeronnette printanière et du Bruant proyer, elle se satisferait d’un blé en herbe, dans les rangs duquel dissimuler son nid. Les prés sont trop densément pâturés et le piétinement des bêtes ne laissera pas de répit au couple. Son chant s’éteint, discrètement porté par la brise.

Population : en net recul au cours des années 1995/2010. Au plus quelques couples en Dombes centrale.

La Pie-grièche écorcheur

Rapace parmi les passereaux, terreur des mille et une pattes, depuis l’araignée Thomise, caméléon à l’affut de l’abeille qui viendra butiner l’églantine, jusqu’au minuscule Rat des moissons dont l’œil s’allume à l’entrée de son nid d’herbe perché.

Pie-grièche écorcheur/mâle

Mi-faucon guettant sa proie depuis une clôture, le sommet d’une haie, ou un câble électrique qui longe la route secondaire, mi-gros moineau auquel elle emprunte parfois la voix, elle qui, en vraie Diane préfère le silence.

Pie-grièche écorcheur/femelle

Elégante et sereine, telle est ce petit seigneur dont le fief estival est européen, qui associe indéfectiblement la haie épineuse et les prés. La prairie est son terrain de chasse, la haie, l’endroit, où elle installe son nid.

Un Campagnol a fait les frais de la chasse de ce mâle Pie-grièche

Ponctuant son territoire, sa signature annonce son régime alimentaire et règne par la peur sur ses sujets : un garde-manger aux allures de gibet. L’Epine noire et l’Aubépine, à moins que ce ne soit le croc d’un fil barbelé, se font planche à larder, exposant brochettes de Cétoine, de Sauterelle verte, ou encore bras de Campagnol agreste.

En Dombes, la Pie-grièche écorcheur Lanius collurio est la plus régulière, sans être abondante, de sa famille.

On y croise bien occasionnellement quelque Pie-grièche à tête rousse Lanius senator, migratrice en escale, mais cela est bien rare.

La Pie-grièche grise Lanius excubitor aussi tente parfois de nicher, mais c’est en hiver qu’on croise le plus souvent son chemin : postée sur un câble téléphonique ou électrique, auquel elle est fidèle au mètre près d’une année à l’autre, sa silhouette remplace celle de la Pie-grièche écorcheur.

Pie-grièche à tête rousse

Proche de l’extinction dans notre pays, la chance d’observer la quasi-mythique Pie-grièche à poitrine rose Lanius minor s’amenuise d’année en année.

La Pie-grièche écorcheur est, des oiseaux prairiaux, celui qui devrait s’en sortir le mieux : au moins son nid ne disparaît pas sous la barre de coupe.

Las, la haie n’a pas encore la totale faveur d’un monde agricole, en mutation certes, mais où, perdurent –nécessité ou besoin – des pratiques sans doute désormais révolues. La haie – doit on encore parler de bocage – recule encore, pressée par une optimisation des temps et coûts de production, héritages du Grand Remembrement des années soixante, confrontée à une mécanique puissante vouée à de vastes parcellaires uniformisées.

Populations :

Pie-grièche écorcheur : jusqu’à une centaine de couples sur la soixantaine de communes de la Dombes centrale. De presque commune dans les années soixante et soixante-dix, elle n’est devenue que régulière, ou localisée, absente de communes dépourvues bocage et de surface en herbe. Néanmoins une population sans doute sous-estimée du fait de la discrétion de l’espèce. Très forte population en Val de Saône, certaines communes comptant plus de 100 couples.

directive oiseaux

Pie-grièche à tête rousse :

essentiellement migratrice. Pas de nidification récente

Pie-grièche grise :

Quelques hivernants annuellement.

24oct/10Off

Des traces sur la vasière

Le Vanneau huppé : l’oiseau du compromis

Retrouvez dans la page bonus les mécanismes ayant présidé à la régression de sa population

L’air écrasé sous chacun des battements de ses ailes évoque l’antique souffle du van et confère son nom à l’oiseau.

Ainsi le moissonneur poursuivait son œuvre à renfort de gestes amples et puissants, ainsi l’oiseau rame dans le ciel, décomposant chaque phase de son vol. Il se joue de la gravité – ce n’est ni plus ni moins qu’un oiseau, remarquez– piquant sur la corneille ou le busard, pourchassant un mâle concurrent.

Virtuosité rime avec témérité, lorsqu’il charge l’outrecuidant visiteur, trop proche à son goût de sa progéniture. L’air déplacé semble animer cheveux ou poils, selon que l’on est humain ou renard. L’instant suivant, oublieux du risque écarté, fort de sa légitimité territoriale, il cherche encore à éblouir une femelle faussement désabusée.

Le vanneau huppé Vanellus vanellus est l’oiseau du printemps autant que celui de l’automne. Il crie la vie aux premiers soleils qui transpercent les derniers brouillards hivernaux. Il annonce la récolte du poisson, lorsqu’en novembre, ses voliers papillonnants de migrateurs s’abattent sur les vidanges.

Au printemps, il devient l’oiseau des transitions et du compromis. Au plus sec, il fricote avec la – dernière – Caille des blés Coturnix coturnix il a connu la Perdrix grise Perdix perdix. Au contact de l’onde, il côtoie l’Echasse blanche en été et la Bécassine des marais en migration. De son point de vue, le territoire de la colonie s’étend depuis le sommet de la parcelle qui verse vers l’étang, jusqu’aux vasières encore recouvertes d’une mince lame d’eau : il se joue du cadastre.

Son nid est pourtant bien plus en sécurité au plus près de l’eau, l’espèce payant régulièrement un lourd tribut aux labours de mai.

Après une ou deux tentatives de nidification sur la bordure de l’étang, ou dans une jachère, un couple arrive à élever en moyenne un seul jeune.

Mais il faut au moins deux couples de ceux qui ont niché plus haut et plus loin de l’étang, sur les cultures, pour arriver au même et maigre résultat ! Selon un autre mode de calcul qui tient compte des remplacements de pontes par chaque femelle à la suite de disparitions successives – labours, hersages, semis, et prédation - un jeune volera pour 24 à près de 50 œufs pondus… Entre le milieu des années 70 et le début des années 90, le nombre des vanneaux nicheurs chute de 2000 à moins de 250 couples.

Cette situation est d’ailleurs généralisée dans presque toute l’Europe, où leurs effectifs régressent : les passages de novembre sur les vasières ne sont plus comparables à ceux d’autrefois, et, au printemps, les colonies ne comptent plus que trois à quatre couples, contre une dizaine, quinze ans plus tôt.

Oiseau gibier dont la population reproductrice est désormais menacée et instable, et ne traînant d’autre casserole autre que celle qui crie au « bon morceau », à l’heure des choix environnementaux, il s’inscrit définitivement comme l’oiseau du compromis.

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Population actuelle : environ 200 couples.

L’Echasse blanche : l’oiseau du consensus

Niche-t-elle sur votre étang ?

Vous ne tarderez pas à en être convaincus, le jour où tous les membres de la colonie se précipiteront à votre rencontre, ponctuant leur vol d’un caquetage inquiet et persistant. Cette attitude est destinée à vous éloigner de leurs jeunes. Elle prévient ces derniers de votre présence, les renseigne sur votre statut de prédateur potentiel.

L’Echasse blanche Himantopus himantopus appartient à cette catégorie d’espèces, gracieuse, non chassable, non piscivore ou non prédatrice de quoi que ce soit d’économiquement exploitable, que l’on est heureux et le plus souvent fier d’accueillir sur son étang.

Elle est devenue un enjeu patrimonial. Le Centre ornithologique Rhône-Alpes (CORA) en a fait judicieusement son emblème. Pourtant il ne semble pas qu’elle ait trop à se plaindre du contexte écologique actuel : les déficits en eau –d’origine climatique, consécutifs à des erreurs de gestion, aux fuites causées par le Ragondin – ainsi que la gestion drastique de la ceinture végétale lors des assecs, autrement défavorable aux oiseaux de la roselière, jouent en sa faveur.

Elle est totalement inféodée aux vasières et aux étangs les plus plats. Ces mêmes étangs, rares en d’autres régions, définissent le mieux la diversité des milieux présents en Dombes.

L’Echasse ne s’y est pas trompée bien qu’à chaque instant son nid, au départ simple dépression à peine matérialisée sur un haut fond, risque l’inondation. Elle le surélèvera, en tourelle, le plus qu’il lui sera possible, s’accordant une montée de l’eau à mi-tarse. Mais si le rythme d’élévation est par trop rapide, alors…

Bon an, mal an, mais c’est le quotidien de l’espèce où qu’elle se reproduise : une partie des nids est noyée.

L’Echasse blanche est avant tout un oiseau du littoral. La Dombes est la seule zone humide de l’intérieur du pays à s’être dotée d’une durable et significative implantation de l’espèce.

On connaissait une dizaine de couples nicheurs au début des années 1990. Au cours de la 1ère décennie du nouveau millénaire, ils sont une soixantaine au moins, pour un effectif adulte régulièrement estimé aux environs de 200 oiseaux.

Échasse blanche : juvénile

Un recrutement auprès des populations méditerranéennes est probable.

Malgré cela, ne boudons pas le plaisir de voir une espèce relativement moins affectée par les évolutions récentes du milieu que le reste de la biocénose.

Population actuelle :

La plus importante pour une zone humide continentale. Une nette tendance à l’accroissement de la population depuis le début des années 1990, et surtout depuis 2000. Moyennes sur la période 2001/2010 : 58 couples ; effectif estival : 180 individus. Maxi 288 en 2006.

Directive Oiseaux

Un colonisateur : le Petit gravelot

Sitôt qu’une vasière se découvre, ou lorsque le traumatique bulldozer retravaille les contours de l’étang, et que celui-ci, recreusé, reprofilé, l’argile repassé sur les limons reporte la colonisation végétale, se pose, en discret pionnier, le Petit Gravelot Charadrius dubius.

Encore sur un trajet dont on ne sait où il s'arrêtera, en compagnie d'un Bécasseau minute

Sur l’argile nue, récemment travaillée et qui deviendra bientôt « béton », une coquille d’Anodonte (un gros coquillage bivalve), une touffe de la rare Limoselle lui serviront de repères pour localiser son nid.

La teinte des parties supérieures de son corps tient du sable et de la vase. Elle le fond littéralement dans son environnement. Au contraire, la livrée bigarrée de sa tête rappelle qu’ici, il est un étranger. Ce n’est pas tout : ses œufs sont aussi repérables que des galets blancs sur le limon. L’argile est bien loin d’évoquer les plages graveleuses de l’Ain et du Rhône.

Un nicheur plus habituel des berges de galets du Rhône et de l'Ain

Mais, las, étangs comme rivières, toujours dans leurs flots montants entraînent sa ponte, roulant ses œufs comme pierres.

Population actuelle : sans doute moins de 10 couples ; stable.

Une perte pour l’écosystème dombiste : la Barge à queue noire

Sans conteste, le statut en Dombes de la Barge à queue noire Limosa limosa était plus prospère du temps où la prairie dominait le pourtour de l’étang. Que l’étang débordait généreusement sur la prairie. Ambassadrice des légions de petits échassiers, « limicoles » seulement de passage sur le long trajet de leurs migrations, elle a été longtemps la seule à rester nicher. Depuis l’après-guerre (la seconde) jusqu’aux premières années de la décennie 90, on recensait bon an mal an, cinq à dix couples. Cela fut peut-être plus encore à une époque où la pression d’observation des ornithologues n’était pas celle que l’on connaît de nos jours.

Aux derniers temps de sa présence, vers la fin des années 90, on la trouvait encore, intégrée aux colonies de vanneaux, dans des jachères annuelles, dans quelque chaume de blé encore passablement humide.

Aujourd’hui, elle dédaigne la Dombes, au profit des prairies humides du Val de Saône, plus récemment colonisées.

Imprévisible, la barge fond sur quiconque fait seulement mine de pénétrer sur son domaine. Son vol piqué s’accompagne d’une émission de miaulements stridents, façon sirène paralysante… Une autre fois, répugnant à quitter son nid terrestre, elle se laissera approcher à quelques pas seulement. Le manteau d’invisibilité que lui confère son plumage, parmi les aspérités et les débris végétaux, est censé la soustraire à la chasse des prédateurs. L’accélération de son rythme cardiaque démontrerait sans aucun doute les limites de sa confiance en cette supposée protection…

Population actuelle :

Migratrice. Population nicheuse considérée éteinte en Dombes : annuellement 5 à 10 couples connus entre 1990 et 1998. Tentatives actuelles de nidification irrégulières.

3 à 6 couples se reproduisent dans le Val de Saône. Espèce protégée dans le département de l'Ain.


A petits pas : bergeronnettes et pipits

D’allure distinguée, classique dans une livrée tranchée, du blanc le plus pur au noir le plus satiné, la Bergeronnette grise Motacilla alba arpente, à son habitude, la vasière d’un étang. Son interminable queue amidonnée et comme agitée d’un hoquet perpétuel la poursuit.

Bergeronnette grise

Son chemin croise celui de migrateurs, une Bécassine sourde, ou des marais, ou, plus proche d’elle, sur le terrain de la Systématique, un Pipit spioncelle Anthus spinoletta.

Pipit spioncelle

Celui-ci, montagnard au sourcil pâle, a été contraint de rejoindre les fonds limoneux d’étangs découverts par la dernière vidange et où se fond sa livrée terne. La neige a recouvert les rocailleuses pelouses alpines de son estive.

Le printemps venu, il a su compenser ce défaut en lançant son message spécifique, modulé et insistant, le temps d’un vol en cloche. Le héraut s’élance à partir d’une roche, son élévation énergique accompagne une voix puissante. Arrivé au sommet de l’orbe, l’oiseau paraît se figer l’espace d’un instant infinitésimal. La seconde partie du trajet s’effectue en une chute planée, dite « en parachute ». Les notes s’accélèrent, comme si elles sentaient la fin, comme si elles s’efforçaient de tout exprimer avant la pose.

Elles ignorent encore tout de la motivation du chanteur déjà prêt pour une nouvelle ascension. Eole, Hermès et Cupidon se rejoignent en une nouvelle alliance pour acheminer le message de la vie à travers l’espace.

Pour l’heure, à son horloge fixée sur « hiver », le Pipit spioncelle ne se soucie que du maintien de sa condition physiologique, et picore à tout va.

A l’écart de l’étang, au-dessus d’un labour, des cris fins ne lui font pas perdre sa cadence. Pourtant il s’agit de proches parents, et qu’il côtoie parfois sur les hauteurs dénudées des monts du Forez et de la Madeleine : une troupe de pipits farlouses (ou Pipit des prés) Anthus pratensis, en compagnie de quelques linottes mélodieuses Carduelis cannabina, essentiellement des visiteurs hivernaux, ou de quelques alouettes des champs Alauda arvensis.

Pipit des prés : un hivernant en Dombes. Photo prise au printemps en Bretagne


24oct/10Off

Les voix de l’étang

On peut bien se demander où se cache l’eau, Dombes arpentée, proximité insoupçonnable. La carte d’état major est semblable à une mosaïque où le bleu domine, tous les demi-kilomètres : un étang. Alors où sont-ils tous ? Ils sont nombreux, pourtant, à s’offrir depuis le bord d’un chemin, d’une route départementale. Ils le sont presque autant à se réfugier au dos d’une haie, d’un bosquet, dans un pli de terrain.

Une oreille affûtée décèlera la silencieuse présence de l’eau stagnante en repérant quelques-unes des voix de son peuple.

A l’inverse, la découverte de ce dernier passera par le ré-apprentissage de l’écoute, par une sensibilisation à la reconnaissance des bruits, des sons, des cris et des chants : ceux-ci se révèleront aussi riches de tessitures, de couleurs musicales, de puissance, d’inventivité qu’il existe d’espèces d’oiseaux, de batraciens… Les naturalistes et certains chasseurs expérimentés ne s’y sont pas trompés, qui, ne pouvant franchir toutes les frontières – dont celle de la propriété privée - tendent depuis longtemps l’oreille. Ils reconnaissent le miaulement énamouré du mâle milouin, le raclement émis par leurs femelles à l’envol, un rien plus grave que celui de celles du Fuligule morillon, le puissant appel de la femelle colvert, et le nasillard cancanement du mâle…

Un rire en cascade, émis du fin fond des herbiers aquatiques, dévoile l’identité de l’insaisissable, du minuscule Grèbe castagneux Tachybaptus ruficollis, improprement appelé, ça et là, « plongeon », toujours guerroyant un confrère qui outrepasse les frontières de son territoire.

Grèbe castagneux

Grèbe castagneux

L’Aigrette garzette Egretta garzetta illustre une certaine fable où l’on parle de ramage et de plumage : une grâce immaculée devait sans doute receler un vice… Un croassement d’une rare inélégance par exemple ?

Aigrette garzette

Un aigrelet gazouillis, à la limite de l’audible, précède un trille dynamique : l’invisible Fauvette babillarde Sylvia curruca, nous nargue depuis l’épaisse frondaison d’une haie de grands arbres. Elle, n’est pas un oiseau aquatique. Apparue en Dombes il y a un demi-siècle, la présence de cet oiseau de distribution continentale et alpestre est désormais une spécificité locale.

Fauvette grisette

L’originale hiverne en Afrique orientale, contrairement à la plupart de nos fauvettes, telles la Fauvette grisette Sylvia communis à laquelle elle ressemble tant, ou la Rousserolle effarvatte, qui ont opté pour la plus proche Afrique subsaharienne Occidentale.

Plus communément encore, la queue boisée de l’étang, retentit du cri nasillard et diagnostique de la Mésange boréale Parus montanus. Moins fréquemment, elle nous gratifie de son chant, qu’elle émet déjà au cœur de l’hiver : une triple (ou quadruple) répétition d’une seule note mélancolique et douce, si douce, presque triste, une voix attachante, langoureuse.

Mésange boréale

Mais un plumage parmi les plus ternes de sa vaste famille. La Mésange boréale, en sa sous-espèce dénommée et pour cause « Mésange des saules », niche dans les souches pourries et les troncs creux des aulnes, des chênes. Elle est sans doute le passereau qui caractérise le mieux l’humide frondaison dombiste.

Les oiseaux ne sont pas seuls à se manifester. Le jour faiblissant, l’appel du Blongios nain et plus encore au cœur de la nuit celui des marouettes, émergent au fur et à mesure que le vacarme du concert des grenouilles vertes s’apaise. Un buisson résonne de l’appel incroyablement puissant de la minuscule Rainette arboricole Hyla arborea.

Une voix se mêle à celle des oiseaux : celle de la Rainette arboricole

Le petit monde du roseau

Quel biotope dans notre pays, autre que la roselière, ne recèle autant de mystère, ne procure autant de sécurité aux êtres qui s’y meuvent ? Quelle formation végétale, à cette échelle, et si l’on excepte la forêt pluviale présente un abord aussi compact, aussi impénétrable ? Tout n’est sans doute qu’une question de mesure. Dans l’eau ou même sur la roche, l’homme évoluerait avec plus d’aisance qu’entre les tiges resserrées du phragmite et du typha, qu’entre les butées (les « touradons ») de leurs pieds immergés…Et d’ailleurs que ferait-il en de tels lieux ?

La roselière recèle le peuple le plus discret de l’étang. Pour ses hôtes, nul besoin d’atours autres que la voix : pas de couleurs resplendissantes, ostentatoires, inutiles dans un monde où tous les chats seraient gris. Les oiseaux y sont parés de tons humblement fauves, couleurs de prudence.

Indissociables du roseau, toutes ces voix, de la plus exubérante à la plus monotone, de la plus puissante à la plus confidentielle, en sont l’âme et le charme estivaux, l’Afrique tropicale nous les reprenant pour l’hiver.

Rousserolles…

Rousserolle turdoïde

Le rideau de phragmites s’agite, et bruisse du frottement des tiges : la brise n’y est pour rien. Une irrésistible pulsion verticale entraîne la Rousserolle turdoïde Acrocephalus arundinaceus vers le haut de l’enchevêtrement végétal jusqu’à dominer les deux surfaces, celle de l’eau libre et celle des roseaux.

Rousserolle turdoïde

On s’attend difficilement à ce que quelques grammes de plumes soit responsables de tant de raffut, mais les feuilles du roseau sont sèches et ses tiges serrées. La fauvette doit batailler pour se rapprocher du ciel. Sa voix s’élève, puissante et rocailleuse, malgré quelques tentatives d’éclaircissement totalement infructueuses. Sa taille atteint à peine celle d’une petite grive et pourtant elle domine de sa seule puissance vocale tout le fond sonore de l’étang.

Population actuelle : une des plus importantes de France. Menacée par la réduction de la roselière. Dernière estimation de la population (2004) : 200 mâles chanteurs au minimum, 300 au maximum. Visiteuse d’été uniquement.

Rousserolle effarvatte

Au contraire, la Rousserolle effarvatte Acrocephalus scirpaceus, copie réduite de la turdoïde, ne chante que depuis la sécurisante profondeur de la végétation. On la voit rarement. Et sa voix, est étouffée après quelques mètres. Cela suffit amplement pour contacter le couple voisin, car les territoires de ces petits oiseaux sont très rapprochés. La conversation monotone des effarvattes, sur le ton de la confidence semble soutenir (ou commenter) la performance de la diva, la turdoïde, un ou deux mètres au-dessus d’elles.

Rousserolle effarvatte

La construction musicale des chants de ces deux espèces, est proche : une répétition par paquets de deux, ou trois, de quelques notes de gorge, émaillées de quelques sifflements, mais le tout manquant de l’inventivité coutumière des banals oiseaux de nos jardins, Merle noir, Grive musicienne, Fauvette à tête noire, Rossignol ou autre Rouge-gorge….

Population actuelle : aucune estimation. Quoique moins inféodée à la grande roselière, subit sans aucun doute la diminution de celle-ci. Espèce régulière lorsque le milieu est favorable. Visiteuse d’été uniquement

Phragmite des joncs

Une autre fauvette, très proche des rousserolles, porte le nom de deux des végétaux entre lesquels elle se partage : le Phragmite des joncs Acrocephalus schoenobaenus.

Phragmite des joncs (au sortir du bain)

Il se distingue de l’effarvatte par un comportement nettement plus démonstratif. Posté au su et au vu de tous à l’extrémité d’un phragmite ou d’un rameau de saule, il lance ses notes en les émaillant de coups de sifflets énergiques. Si cela ne suffit pas, il les émettra lors d’une courte envolée au-dessus du marais.

Phragmite des joncs

En fait une version caféinée de la Rousserolle effarvatte.

Population actuelle : en expansion ? Visiteur d’été uniquement

Les locustelles

Les 2 espèces de locustelles sont rares en Dombes. La Locustelle luscinioïde Locustella luscinioides était la plus abondante : quelques dizaines de couples sans doute encore dans les années 1990. Elle ressemble à s’y méprendre à une Rousserolle effarvatte.

Et puis la Locustelle tachetée Locustella naevia, pratiquement absente (plus abondante en prairies de Saône) l’a supplantée : phénomène passager ? Une évolution à suivre…

Toujours est-il que leur chant n’est que longue, très longue stridulation d’insecte : les différencier exige d’avoir entendu les 2 espèces chanter de nombreuses fois et si possible…simultanément ! Les 2 chantent inlassablement depuis la nuit jusqu’aux premières heures du matin…

Locustelle tachetée

Locustelle luscinioïde : un faux air de rousserolle ?

Population actuelle : net déclin de la Locustelle luscinioïde ; expansion récente de la Locustelle tachetée. Les 2 espèces ne totalisent dans doute pas plus de quelques dizaines de couples en Dombes. Visiteuses d’été uniquement.

… Et butors

L’ombre, comme générée par la roselière, la quitte et s’étend sur l’onde. Les heures sont moins chaudes. Du concert des batraciens, tente de s’extraire, avec la régularité d’un métronome, le rôt sonore du Blongios nain Ixobrychus minutus, le plus petit des hérons à vivre sous nos latitudes. Peut-être, chanceux randonneur, l’auras-tu aperçu, plus tôt dans la journée. Il volait à saute-moutons entre les massifs de roseaux : il allait et venait entre ses jeunes affamés et quelque chenal d’eau libre, reculé, mais non dépourvu de proies. Se laissant choir par le haut dans l’amas vert, il en ressurgissait peu après, par le pied de la végétation cette fois.

Blongios nain

L'heure du Blongios

Le Butor étoilé Botaurus stellaris lance au même instant son appel d’outre tombe, et toutes les angoisses refoulées remontent en masse sur le marais : un chariot et ses bœufs ont été avalés par la fange, ici. La légende ne précise pas quand. Elle confond même les étangs où le drame se joua. Depuis, on entend entre le crépuscule et l’aube, ce mugissement, les deux notes d’une corne de brume : l’effroi des bœufs sombrant ou le chant du Butor, qui sait ?

Le plus secret de nos oiseaux daigne s’extirper de l’ombre. L’allure est massive, on sent comme une puissance retenue dans ce corps plutôt courtaud. Le plumage de la plupart des hérons arboricoles [1] est uniforme : blanc ou gris. Celui des hérons « paludicoles » est plus cryptique, plus nuancé : rien, ou presque, ne permet de les distinguer du milieu dans lequel ils se meuvent. Celui du Butor étoilé, semble avoir été confectionné par un Elfe : « Tant que cet habit porteras, invisible tu demeureras. Mais de la lisière des roseaux ne t’écarte.

  1. les hérons qui se reproduisent dans les arbres : Héron cendré, Bihoreau gris, Aigrette garzette, Héron garde-boeufs, Crabier chevelu - au contraire des hérons paludicoles, qui se nichent essentiellement dans la roselière : Butor étoilé, Blongios nain, Héron pourpré. []
24oct/10Off

Voyage au centre de l’étang

La Guifette moustac

Les Guifettes moustacs Chlidonias hybridus constituent en quelque sorte, la partie visible du peuple de la pleine eau, des nénuphars et autre châtaigne d’eau.

La Guifette, c’est l’élément gracieux associé à l’été des étangs, car elle hiverne en grande partie au sud du Sahara. C’est une sterne des eaux douces et stagnantes. Une espèce emblématique : elle figure sur la liste des oiseaux les plus sensibles d’Europe. L’association d’un herbier aquatique et d’une colonie est sans conteste une plus-value environnementale et biologique pour un étang.

Elle se reproduit principalement sur le lac de Grand-Lieu (Loire Atlantique), en Brenne, en Dombes ; elle fréquente également en effectifs moindres le Forez, la Sologne, la Brière.

Longtemps Dombes et Brenne se sont partagé 80% de l’effectif national. La situation a changé. D’abord au bénéfice de la Brenne, puis de Grand-Lieu.

En Dombes, la Guifette moustac régresse régulièrement : de plus de 30 colonies en moyenne au début des années 1990, elle n’en compte qu’une dizaine en 2009. Les effectifs sont fluctuants, de 500 à 800 couples. Mais les colonies tendent à se concentrer sur un nombre de plus en plus réduit d’étangs. Ce constat suggère une évolution écologique globalement défavorable des milieux aquatiques, à commencer par l’appauvrissement des formations végétales favorables. Une carence des milieux en ressources alimentaires, d’origine terrestre (insectes) comme aquatique (alevinage), pourrait être impliquée dans les tendances évolutives récentes. Le déterminisme du choix du site de reproduction répondrait non au seul critère végétal mais au moins à deux impliquant non pas un mais un ensemble d’étangs, voire au-delà, le bassin versant : la présence de formations végétales et la ressource alimentaire.

Certains aspects des tendances évolutives de la Guifette en Dombes semblent pouvoir être corrélés assez aisément à une évolution locale des habitats et des pratiques. Cela ne suffit pas à expliquer le transfert de population constaté depuis quelques années vers des zones humides de l’Ouest du pays (Grand-Lieu, en Loire Atlantique) : des hypothèses fondées d’une part sur des tendances évolutives climatiques lourdes et des situations conjoncturelles (effets « année », conditions météorologiques exceptionnelles, eutrophisation de Grand-Lieu) seront donc avancées.

Plusieurs programmes environnementaux se sont succédé entre 1994 et 2010 intégrant la protection des colonies de Guifettes moustacs lors du faucardage de la végétation flottante, pratique non systématique essentiellement destinée à limiter l’emprise de la châtaigne d’eau.

Ils ne sont plus suffisants aujourd’hui pour inverser la tendance évolutive de la population de guifettes.

Directive Oiseaux

Population actuelle : le nombre de colonies ne cesse de diminuer :  7 en 2010 (10 en 2009 !). Effectifs fluctuants. Toutefois plafonnement de la population nicheuse à environ 500 couples sur la période 2006/2010, exception faite de 2007 avec 865 couples.

Souvent associés, parfois en compétition ...

...pour un simple amas de végétation où bâtir un nid : Grèbe à cou noir et Guifette moustac

Retrouvez ces deux oiseaux dans l'album "la guerre des plateformes"

Le Grèbe à cou noir

Au début de la saison, en avril, le Grèbe à cou noir Podiceps nigricollis s’assure la protection des colonies de mouettes, dans les joncs et les scirpes. Plus tard en été, il profite du développement des végétaux flottants pour intercaler son nid entre ceux des guifettes. Ce lutin au comportement spectaculaire est une des figures les plus attachantes de l’avifaune locale, un des oiseaux aussi, qui résume le mieux l’équilibre de l’étang dombiste.

La population de cette espèce est extrêmement fluctuante : certaines « colonies » ont rassemblé jusqu’à plus de 300 couples. Le phénomène est plus rare de nos jours, et le plus souvent, l’étang accueille au mieux plusieurs dizaines de couples (exemple : 40 couples en 2009 sur le Grand Birieux).

Population actuelle : fluctuante, de 200 à 500 couples. Les suivis actuels ne permettent pas de déterminer la tendance évolutive de la population. Pourrait être en recul, du fait de la diminution des herbiers aquatiques et des potentialités alimentaires.

Voir l'album "Grèbe à cou noir : coït non-interruptus"

Iconoclaste Martin-pêcheur

Le Martin-pêcheur Alcedo atthis n’est que reflet fugace, flèche électrique idéalement parallèle à la surface de l’eau.

L’étang est son garde-manger. Les ébies [1]et autres empellements [2] qui concentrent le fretin à l’aval immédiat de la bonde sont un de ses terrains de pêche privilégiés.

On le dit oiseau de l’eau courante, mais c’est oublier que c’est un pêcheur, un prédateur. Il laisse au bouillon de la rivière le Goujon et la Loche. Il plonge sans a priori, à l’attaque des alevins de Gardon, de Poisson-chat, et d’un nouveau, malvenu, mais particulièrement brillant et frétillant, que les dombistes connaissent sous le nom de « Pseudo-rasbora ».

Le gel de l’étang le chasse, et, perdurant, le décime.

L’argile compactée ne lui sied que modérément, où nicher : aussi, lorsqu’il a choisi de rester, bien obligé de forer son terrier dans la paroi des fossés profonds, dos à l’étang, exceptionnellement, entre les racines d’un chablis.

Sa présence est sous-estimée. Sans doute plus abondant dans l’Est de la Dombes – boisée, au relief plus marqué -qu’en son centre, il est presque omniprésent pourtant, juché sur une branche, ou se signalant au passage de son cri aigu, nerveux et métallique.

Population actuelle :

En 2008/2009 il est observé sur ¼ des étangs dombistes entre avril et juillet. Entre le 15 avril et le 15 mai, période concernant essentiellement des oiseaux cantonnés, il est observé sur plus de 7% des étangs (6% sur la période 1991/2000).

La dispersion des jeunes permet de le rencontrer sur 15% des étangs entre le 15 juin et le 15 juillet.

En janvier (hivernage) il est noté sur 7% des étangs (1991/2000). Benmergui/ONCFS non publié, étude réalisée sur 146 étangs.

Directive Oiseaux


  1. Exutoires de l’étang = trop-plein []
  2. « L’empellement » et la « pelle » sont des ouvrages de régulation et de canalisation de l’eau dans les fossés []
24oct/10Off

Mouettes et goélands

Le Goéland leucophée

Le Goéland leucophée Larus michahellis est le pendant méditerranéen à pattes jaunes de l’indéfectible Goéland argenté Larus argentatus à pattes roses de vos vacances à Brest, Quiberon ou Saint-Malo. Loin des rivages mais jamais de l’eau, une population est partie à la conquête de l’intérieur, le long des cours du Rhône et du Rhin.

Goéland leucophée :...des pattes jaunes

Il est parvenu jusqu’en Dombes, où il s’accommode moins facilement de la vie coloniale des littoraux. Un îlot, un couple, telle est ici sa stratégie territoriale.

Le Goéland argenté (...des pattes roses) : occasionnel en Dombes

De ce fait, il a pu élire domicile sur les ilots de quelques étangs, presque toujours d’une superficie supérieure à une dizaine d’hectares : les petits étangs sont rarement pourvus d’ilots, et le cas échéant, la sécurité n’y est évidemment pas optimale…

Il est un prédateur opportuniste mais redoutable des jeunes grèbes, foulques, guifettes, et canetons. Ce qui explique que sa population n’ait localement jamais vraiment décollé : si certains gestionnaires voient en lui un remède efficace limitant la production des grèbes huppés, d’autres considèrent plutôt sa présence comme un problème à résoudre…

Population actuelle : une vingtaine de couples à la fin des années 1990, n’excède pas 13 couples en 2005, et est inférieure à 10 couples en 2009.  5 couples au plus en 2010.


La colonie de mouettes : matrice de l’étang

Autrefois si souvent commensale du paysan...

La Mouette rieuse Larus ridibundus, très ancienne commensale du pêcheur, suit les embarcations en compagnie des goélands, en mer et sur les lacs, se satisfaisant des déchets de la pêche. Elle a accompagné la charrue, successivement entrainée par les bœufs, puis par le tracteur, et qui découvre les lombrics [1] comme les campagnols.

Plusieurs études ont démontré l’attractivité qu’exerce une colonie sur d’autres espèces. Elle protège l’ensemble de la communauté, aussi turbulente soit-elle, de l’intrusion des prédateurs. La colonie appelle à une plus grande diversité des espèces, coloniales également dans le cas du Grèbe à cou noir Podiceps nigricollis et de la Guifette moustac Chlidonias hybridus, ou simplement sociables comme celui des fuligules [2].

I

Les naturalistes constatent la raréfaction des grandes colonies, dont les effectifs étaient supérieurs à un millier de couples. A l’inverse, ils constatent un éclatement de la population en de petites colonies moins productives. De ce fait, les dombistes sont persuadés, à tort, de l’augmentation des mouettes. La confusion pourrait être augmentée par les rassemblements hivernaux sur les vidanges hivernales qui précèdent les pêches, et bien que cette population hivernante ne semble pas augmenter. La Mouette traîne le lourd chalut d’une réputation de piscivore, ce qu’elle est en partie, et notamment à cette période de l’année. D’un impact mineur sur la production de poisson, elle hérite essentiellement du ressentiment d’une profession excédée envers des espèces nettement plus déprédatrices.

Ces confusions entre populations nicheuses et hivernantes sont classiques.

Le baguage des oiseaux : une aide à la compréhension de leurs mouvements

Comme c’est le cas pour le Héron cendré, les mouettes hivernant dans notre région ne sont que très partiellement celles qui s’y reproduisent. Elles proviennent principalement du Nord de l’Europe, d’une vaste zone délimitée au Sud par la Suisse, au Nord par la Finlande, à l’Ouest par le Benelux et le Danemark, et à l’Est par la Pologne et les pays baltes. L’effectif en hivernage est méconnu. Un dortoir, régulier et spectaculaire, sur la réserve ornithologique de Villars les Dombes, pourrait accueillir 15 000 à plus de 18000 oiseaux. La plupart s’alimentaient sur un vaste dépotoir voisin récemment fermé. Leur recours reste le dépotoir péri-urbain de Bourg-en-Bresse à une trentaine de kilomètres du centre Dombes.

Les ornithologues[3] ont relié le départ d’un fort contingent dès la mi-juin avec une diminution d’une source alimentaire primordiale : le Lombric. A cette époque, cet invertébré est moins actif sous la surface des sols, et les terres cultivées sont devenues le « béton » que l’on connaît. Si la régression de la population locale reproductrice de mouettes se confirmait, il faudrait donc en conclure, moins à une évolution des orientations piscicoles qu’à celle concernant l’assolement en périphérie d’étang.

Chaque année, vers la mi-mars, la colonie se reconstitue.

Un couple de paysans avait vécu toute sa vie adossé à une des plus grandes colonies de la région. A leurs dires, elle compta sans doute autrefois plus de 2000 couples. On s’y octroyait même le droit, sous la responsabilité du propriétaire, de procéder à la récolte des œufs : en moyenne 3 par nid, que l’on multiplie sans peine par deux, trois cents ! Les mouettes ne semblaient pas en avoir pâti outre-mesure. Il s’agissait là d’une pratique, exceptionnelle, mais compensable grâce aux fortes potentialités de l’espèce et du milieu. On adoptait localement, une tradition ancrée dans les régions du nord de l’Europe : le ramassage des premières pontes, lesquelles étaient aussitôt remplacées.

Et puis, au cours des années 1990, un matin, le calme s’impose, seulement relatif, mais aux oreilles des « anciens », il prenait une dimension proche de l’absolu : les mouettes ne sont pas revenues, pour la première fois en près d’un demi-siècle. Même lors des assecs, rares sur cet étang, on faisait la différence.

...Soudain le silence

On avait acquis, au fil du temps, cette capacité à assimiler la présence simultanée des mouettes et de l’eau et, à l’inverse, l’absence d’eau égalait l’absence, alors explicable, logique, des mouettes. L’absence des mouettes, avec un étang que les paysans « sentaient » en eau, avait pris une dimension pesante pour ce couple, en fin de parcours professionnel. D’un coup d’un seul, il comprenait, à l’écart du monde, qu’une page était définitivement tournée.

Population actuelle :

Reproduction : 3400 individus répartis en 7 colonies (2008).

Hivernage : plus 15000 individus sur un seul dortoir.


  1. Vers de terre []
  2. canards plongeurs comme le milouin, le morillon). Il n’est pas rare que, même le Vanneau huppé Vanellus vanellus et l’Echasse blanche Himantopus himantopus, puissent se joindre au vacarme de leurs hôtes lorsque l’étang répond simultanément à toutes leurs exigences.

    Mais les colonies de mouettes sont de moins en moins nombreuses : 2000 à 2200 couples en 8 colonies en 2009, contre environ 5000 couples pour 26 colonies en 1999. Entre ces deux dates une tendance régulière, lourde à la diminution. A titre de comparaison, le Forez, avec trois fois moins d’étangs, en compterait environ sept mille ((Guide du naturaliste en Dombes, éd. Delachaux et Niestlé []

24oct/10Off

Les méridionaux

Les zoologistes attribuent traditionnellement à l’avifaune dombiste une appartenance bio-géographique « médio-européenne ». Les influences septentrionales l’emporteraient sur les méridionales. Une argumentation météorologique appuie cette thèse, ainsi que des pistes, convergentes jusqu’au plus infime maillon de la chaîne biologique : nos insectes aussi seraient plus continentaux que méditerranéens [1].

Mais l’effet de serre et le réchauffement consécutif de l’atmosphère engendrent des modifications sensibles : climatiques d’abord, écologiques ensuite.

Dans la rue, où disserter du temps contribue au maintien du tissu social, cela a semblé évident, bien en amont que les statistiques ne décident. La 1ère génération du 21ème siècle n’est pas la première à entendre dire qu’« Il n’y a plus de saison ». Les naturalistes s’interrogeaient, sans trouver d’autre explication totalement satisfaisante à l’affluence parfois soudaine d’une avifaune aux accents franchement méridionaux.

Les conséquences des évolutions climatiques sont de ces subtilités difficilement perceptibles à court terme. En comparaison, la prédation et l’évolution des paysages, par exemple, sont des paramètres plus rapidement identifiables.

Des sécheresses devenues endémiques dans le sud de l’Europe, en Espagne notamment, des hivers plus doux chez nous, ont favorisé en Dombes, mais pas seulement, l’implantation, d’espèces qui seraient autrement restées occasionnelles. La présence en France du Crabier chevelu Ardeola ralloides, une espèce afro-tropicale, a longtemps été limitée à la Camargue. Il est considéré dorénavant comme appartenant au catalogue des visiteurs d’été réguliers en Dombes.

Crabier chevelu

Le Héron gardeboeufs : d'un continent à l'autre, du Zébu Peul...

...au Charolais

Le Héron garde-bœufs Bubulcus ibis, que les zoologistes attribuent à la catégorie faunistique « indo-africaine », s’est ressenti des velléités de conquête globale. Lui qui n’est pas un migrateur total, se laisse encore surprendre par quelque hiver plus rigoureux que le précédent, et qui taille à vif dans ses rangs. Mais il semble désormais capable de pouvoir compenser ses pertes : les populations espagnoles, saturées, réapprovisionneraient les nôtres…

C’est encore la rigueur de l’hiver qui n’a pas encore autorisé l’installation estivale durable de la Bouscarle de Cetti Cettia cetti et de la Cisticole des Joncs Cisticola juncidis. Ces sortes de fauvettes sont plus ou moins sédentaires dans les régions sous influence atlantique ou méditerranéenne.

On les a entendues de plus en plus régulièrement au cours des toutes dernières années sans toutefois tenir les promesses d’une réelle expansion. La Bouscarle est d’ailleurs régulière tout autour du plateau dombiste, à l’Est, dans les « brotteaux » qui bordent la rivière d’Ain, et à l’Ouest, le long des fossés qui voisinent la Saône.

Là même où le tropical Guêpier d’Europe Merops apiaster, lui, continue son expansion, remontant fleuves et rivières depuis la Méditerranée…mais en prenant soin d’éviter la Dombes. Il y a pourtant fait une incursion remarquée à la fin des années 80. Il passe, en fin d’été, mais ne s’y reproduit qu'occasionnellement :  au moins une petite colonie est connue en marge occidentale du plateau.

Le déficit pluviométrique et la résorption rapide en cours de printemps de zones humides dans le sud de l’Europe, se traduisent par un exode estival d’espèces dont une part n’a pas toujours eu le temps de se reproduire : plus au Nord, des régions plus arrosées accueillent ces oiseaux  dès  le mois de juin.  Ce phénomène  pourrait expliquer la variabilité des effectifs estivaux de l’Echasse blanche et de la Guifette moustac, qui peuvent doubler en quelques semaines.


  1. In « Le guide du Naturaliste en Dombes », Lebreton et al., Delachaux et Niestlé, 1991. []
23oct/10Off

En toute saison, ou presque : les inratables (les indéfectibles)

En tête de peloton

Qui se promène en Dombes, à pied, en bicyclette, ne manque jamais de jeter un œil de part et d’autre de la route, où il sait pouvoir trouver, toujours proche, la surface de l’étang. Car, que ce soit ou non la raison de son passage en cet endroit et en cette heure, il s’attend, tout naturellement, à une présence minimale de mouvement. Il guette la démonstration d’une parcelle de vie sauvage, qui justifie un tant soit peu tout ce qu’on raconte à propos de ce pays. Le néophyte n’est jamais déçu.

23oct/10Off

Le temps d’une escale : les limicoles

Le peuple des petits échassiers s’arrête sur les vasières le temps d’une escale [1]. Ce sont presque tous des globe-trotters, moins inégaux devant les distances qu’ils parcourent deux fois par an, que par la longueur de leur bec et par celle de leurs pattes.

Inégaux certes, mais quelle leçon d’adaptation et de partage des ressources ! Chacun exploite une lame d’eau de profondeur différente, un cortège de proies différentes…grâce à la taille de ses attributs !

Les nuées en route pour le Banc d'Arguin ; Bécasseaux sanderlings, variables, cocorlis, tournepierres...

Ce sont les bécassines et les bécasseaux, les chevaliers, les courlis et les barges. Ils sont les plus réguliers passagers de longs voliers [2] transcontinentaux. Au plus proche, ils nichent aux Pays-Bas, en Scandinavie, et au plus loin, ils nous arrivent des confins de l’Océan Glacial Arctique. Leur destination hivernale sera le Banc d’Arguin, en Mauritanie, ou le Golfe de Guinée, et, même parfois, l’Afrique australe….

Tous font la joie des ornithologues et figurent parmi leurs plus excitants exercices pratiques d’identification. Pour le néophyte, ces petits oiseaux se ressemblent tous de loin comme de près !

  • Le Pluvier doré

Un Pluvier doré Pluvialis apricaria, occasionnel ici, se repose, sur sa route vers la lointaine Scandinavie ou la sulfureuse Islande. De la Beauce jusqu’en Vendée, la majorité de ses semblables hivernent par centaines dans les cultures, souvent mêlés aux vanneaux huppés.

Celui-ci fait vraisemblablement partie de ces quelques originaux qui ont choisi les salines méditerranéennes pour passer l’hiver. Le limon dombiste n’est pas sa tasse de thé.

Il arbore encore son plumage hivernal : s’agit-il d’un adulte affaibli, qu’une blessure aurait forcé à prendre quelque repos, d’un jeune de l’année précédente ? Quoiqu’il en soit, la probabilité qu’il participe cette année à la reproduction est réduite.

  • La Bécassine des marais

Confuses silhouettes grises, terreuses, mottes tout d’abord immobiles puis qui commencent à s’animer, une aile s’étire, un...bec sort d’on ne sait où, si ce n’est, à l’évidence, de la motte de plumes. Un bec parmi les plus démesurés, à rendre muet de jalousie ou d’admiration n’importe quel Cyrano, à faire rougir un Pinocchio.

Derrière, l’oiseau, tout de discrétion. Humble dans ses atours, surdoué de l’épée et de la fourchette, il manque cruellement des accents et du verbe du Gascon. Quel chasseur ne connaît pourtant ce zézaiement, qui, à son ouïe, résonne comme une mélodie.

La Bécassine Gallinago gallinago est sans aucun doute un de nos visiteurs internuptiaux parmi les plus fidèles et les plus abondants. Mais serez-vous en mesure de la détecter au pied des joncs exondés.

Population actuelle : non nicheuse. Essentiellement de passage, hivernage irrégulier dépendant du gel notamment

  • Le Combattant varié

Combattant varié : rarement la mue printanière des mâles atteint en, Dombes, durant leur migration, un stade plus avancé que sur cette photo

Presque incognito, ici, il ne combat ni ne se reproduit. Des ébats et des éclats qu’il dispense sur d’autres rivages, il ne nous gratifie que des moindres, qu’il compense par son nombre lorsqu’il déferle sur les vases. Il emprunte à Attila sa stratégie. Par dizaines, plus rarement par centaines, les oiseaux déferlent comme une vague. Ils progressent de front picorant de-ci de là. Ils ne semblent préoccupés que de s’empiffrer d’invertébrés. Le temps

Combattant varié : mâle en plumage internuptial

leur est compté pour constituer les réserves énergétiques indispensables pour affronter le reste de leur périple.

Sur la route vers les marches septentrionales où éclora leur progéniture, ou, au retour, en transit vers les rizières de l’Afrique subsaharienne où ils hiverneront, quelques mâles arborent les premières ou les dernières magnificences de leur plumage nuptial.

C’est au mâle, à son allure majestueuse en ses atours nuptiaux, à ses joutes rituelles compliquées, que les chevaliers doivent leur appellation générique. Le Combattant Philomachus pugnax est pourtant le seul a à avoir perdu, récemment, son titre. Non par manquement aux sacro-saintes lois qui régissent une « autre » Table, ronde, mais du fait d’une pure et rigoureuse cogitation de TaxonomisteCheva qui ne lui faisait plus trouver grâce ni chez les chevaliers, ni chez les bécasseaux.

Population actuelle : en général en groupes de quelques individus à plusieurs dizaines. Parfois plusieurs centaines (maxi 600).

  • Le Chevalier sylvain

L’actif Chevalier sylvain Tringa glareola fait illusion sur les vasières : peut-on vraiment, à l’étymologie de son nom, l’associer à un environnement forestier ? Dans nos forêts, un oiseau est avant tout percheur ou chanteur, celui-ci est arpenteur : il est vrai que nos forêts tempérées n’ont qu’un lointain rapport avec la taïga sibérienne ou scandinave, parsemée de clairières géantes et de marais tourbeux à bouleaux et bruyères. Imaginons un instant notre visiteur se perchant sur quelque promontoire et égrenant son chapelet flûté qui n’a ni besoin, ni fonction de rafraîchir le printemps.

Chevalier sylvain

Chevalier sylvain

  • Le Chevalier cul-blanc

Chevalier cul-blanc

Le « cul-blanc » Tringa ochropus est au Chevalier sylvain ce que le Pipit des arbres est au Pipit des prés (bien que cette comparaison demeure encore …absconse pour le néophyte) : sa ressemblance avec le sylvain ne laisse pas de faire douter les ornithologues débutants. Comme son alter ego son croupion blanc ne facilite pas les choses. Pas de cours d’identification ici : il faudra se référer aux photos ou un ouvrage spécialisé. La pratique lèvera le doute : l’appel bi-syllabique qu’il émet à l’envol lorsque le sylvain semble rire d’un hennissement aigu et précipité, le contraste brun/blanc de son plumage, finiront par laisser place au plaisir d’une identification infaillible.

  • Le (Chevalier) guignette

Le port de tête légèrement trop bas pour se voir accorder l’accolade, trop solitaire pour être bécasseau, le corps animé de « TOCs » le guignette Actitis hypoleucos se rit des complexes dont on est tenté de l’affubler: haussant ses épaulettes blanches de petit officier d’Empire, il ponctue son pas d’un hochement de croupion imperturbable, puis d’un coup d’aile rigide, rejoint la rive opposée, après avoir imprimé son fugace reflet sur l’eau jaune de l’étang.

Chevalier guignette

Chevalier guignette

  • Les grands chevaliers

Chevalier aboyeur : une jeune grenouille pour repas

Chevalier aboyeur : une jeune grenouille pour repas

Le robuste Chevalier aboyeur Tringa nebularia réveille un matin de la fin juillet de son explosif appel. Il redescend déjà de Scandinavie où il a niché, ou de plus loin, de Sibérie, et préfigure le grand courant qui osera la transsaharienne. Pour l’aboyeur de vifs va-et-vient d’un sabre robuste suffisent, là où les dents font défaut, à déchirer une jeune et tendre grenouille verte imprudemment égarée entre ses longues pattes verdâtres.

Chevalier aboyeur

Chevalier aboyeur

Le gracile arlequin Tringa erythropus est un autre attardé nordique autour de la table des étangs, une étape gastronomique et reconstituante à mi-chemin des toundras sibériennes et des rivages maures. Noir étoilé en été, dans la bruyère et les rhododendrons, il se fond entre brume et eaux, dans l’homochrome nuance grise du ciel de Dombes, portant couleurs du temps, à l’instar de la Peau d’Âne de Charles Perrault.

  • Bécasseaux

Les limicoles ont leur – taille - maternelle. Entre les pattes des chevaliers et des vanneaux, telles des souris, de petites boules arpentent nerveusement mais méthodiquement la vase, animées par la vitale nécessité alimentaire, l’absolu carburant qui leur permettra à leurs de leur faire longer 10000 km de cotes et de fleuves, depuis la toundra groenlandaise ou le Taïmyr, de traverser continents et déserts, pour enfin toucher le mythique Banc d’Arguin. Nos visiteurs les plus habituels sont le Bécasseau minute, le plus petit - avec l’occasionnel Bécasseau de Temminck Calidris temminckii- leurs ainés par la taille les bécasseaux variable C. alpina et cocorli C. ferruginea. Deux égarés néarctiques (américains !) : le Bécasseau tacheté qui nous fait le plaisir de régulières incursions depuis quelques années, et l’exceptionnel Bécasseau Bonaparte, que l’on a pu voir en 2006.

Bécasseau variable

Bécasseaux de Temminck

Exceptionnellement un lourd Bécasseau maubèche Calidris canutus, un pâle Bécasseau sanderling C. alba, ou encore un Tournepierre à collier Arenaria interpres, dont la livrée aurait pu lui valoir, sans une certaine préséance chevaleresque, le surnom d’arlequin, tous perdus loin des côtes où ils sont censés braver les embruns, les premiers sondant le sable et jouant avec le ressac, le dernier arpentant la roche couverte de moules et de patelles, comme déconcertés par le manque de mouvement des eaux, semblent attendre le signe qui les fera retrouver le sens…commun, du moins un littoral.



  1. Escale, de scala : échelle, échasse. []
  2. Volier : vols d’oiseaux migrateurs []
23oct/10Off

Les Anatidés, autrement dit : les canards

Ils ont fait la première réputation de la terre dombiste, au même titre que celle d’autres terroirs : Brenne, Sologne… Terroirs autrefois consacrés par la chasse. Ils sont devenus un des moteurs essentiels de l’économie locale. La pérennité de leurs populations nicheuses devient une préoccupation immédiate. D’eux dépend pour partie le maintien en eau des étangs, et l’avenir des autres espèces.

Jusqu’à 9 espèces de canards sensu stricto, du plus commun d'entre eux, le Canard colvert Anas platyrhynchos, jusqu'au prestigieux et rarissime Fuligule nyroca Aythya nyroca (Directive Oiseaux) se reproduisent en Dombes, plus ou moins régulièrement, et avec plus ou moins de succès.

Depuis le début des années 1990, deux nouveaux Anatidés se reproduisent en Dombes : le Tadorne de Belon Tadorna tadorna et l’Oie cendrée Anser anser. Le 1er encore occasionnellement, la 2nde, très régulièrement.

En 2003 est apparue une nouvelle espèce nicheuse : l’Ouette d’Egypte Alopochen aegyptiaca, espèce introduite en Europe et précédée par la réputation d’être envahissante…

Le Canard chipeau

La situation de cet élégant canard, dont le plumage inhabituellement sobre recèle de subtilités imperceptibles à distance, est particulièrement préoccupante. La prairie des bords d’étangs a fait place à des cultures. Les rares prairies de fauche sont récoltées bien avant que les nids du chipeau Anas strepera n’éclosent. Seules des modifications importantes des pratiques agricoles actuelles lui seraient favorables : les Mesures Agri-Environnementales Territorialisées (MAET), en réaffectant une superficie de prairies significative à proximité des étangs, et dont la date de fenaison serait adaptée au cycle de reproduction de l'espèce, pourraient d’ores et déjà aider au maintien de la population.

Population actuelle

A la fin des années 70, 1300 couples se reproduisent en Dombes sur les 1800 que compte le pays tout entier. A la fin des années 80, la population locale est au plus estimée à 400 couples. Le nombre annuel de nichées peut être estimé entre 100 et 200 au début des années 2000.

Canard chipeau

La Sarcelle d’été

La Sarcelle d’été Anas querquedula est strictement migratrice. Elle est le dernier des canards à quitter les mares de l’Afrique subsaharienne où elle hiverne par centaines de milliers. Elle réapparaît par petits groupes sur les étangs à partir de fin mars, le plumage des mâles repeint aux couleurs du ciel, bleu et nuage. A l’instar du Chipeau, au fur et à mesure de la disparition des prairies de fauche qui bordaient l’étang, elle est devenue un des canards nicheurs les plus rares de Dombes.

Population actuelle :

Les preuves de la réussite de la reproduction de la Sarcelle d’été sont rares. Sans doute les petits groupes de 3 à 6 sarcelles observées en juillet sont le fait de nichées locales. Rarement plus d’une nichée connue annuellement.

Sarcelle d'été/nichée

Sarcelle d'été/juvéniles

Sarcelle d'été/mâle

La Sarcelle d’hiver

Le plus petit canard européen se mêle fin août aux sarcelles d’été déjà prêtes au départ.

Toujours discrète, la Sarcelle d’hiver Anas crecca se tient à l’abri de la végétation aquatique. Quelques sifflements mélodieux et un peu mélancoliques, émis par les mâles trahissent leur présence. Le gel les poussera vers la Camargue où elles hivernent massivement.

Population actuelle :

Malgré la régulière observation d’oiseaux estivants les citations de pontes et de nichées de Sarcelle d’hiver sont exceptionnelles. Le dernier connu (M. Benmergui/ONCFS) date de 1991.

La population hivernante est variable : annuellement les rassemblements les plus importants peuvent atteindre un millier d’oiseaux. L’effectif total ne semble qu’occasionnellement excéder ce chiffre.

Sarcelle d'hiver/couple


Le Canard souchet

Autrefois régulier, le Canard souchet Anas clypeata, autre nicheur inféodé aux prairies humides, ne fournit plus qu’occasionnellement des preuves sa reproduction. C’est surtout un migrateur transsaharien. Sa présence est souvent associée à celle du Vanneau huppé et de l’Echasse blanche, témoignant d’étangs de peu de fond.

Population actuelle :

Peut-être 300 couples dans les années 70 (CORA). Sans doute inférieure à 20 couples. Occasionnellement une nichée apporte la preuve de la reproduction de l’espèce. Dernière en date 2007.

Hivernage : environ 300 individus au cours des années 2000 ; peut atteindre jusqu’à 700 individus (1992/1993).

Canards souchets en compagnie d'un couple de Canards siffleurs

Canards souchets en compagnie d'un couple de Canards siffleurs

Le Fuligule morillon : reflets dans un œil d’or...

Sa tenue de majordome dont le vent relève la huppe tombant sur sa nuque n’autorise aucune confusion. Un quart de siècle, entre le début des années cinquante et 1980, voit successivement la colonisation du morillon Aythya fuligula, en Dombes, son expansion, puis son déclin.

Ailleurs toutefois plus au nord (Champagne, Lorraine) et à l’Ouest (Lac de Grand-Lieu, en Loire Atlantique) du pays, cette expansion se poursuit.

Il est souvent décrit comme une espèce colonisatrice et force est de constater la présence de nichées en des lieux insolites, tels des ballastières, des lagunages, des bassins de décantation, des stations d’épuration…

Population actuelle :

Si la population printanière peut être estimée entre100 et 150 couples le nombre de nichées n’excède pas une cinquantaine annuellement.

Hivernage : semble décroître durant la dernière décennie : 500 individus en moyenne.

Le Fuligule milouin

Désigné localement par son surnom de « rougeot » le Fuligule milouin Aythya ferina s’est imposé, en un demi-siècle, comme la seconde espèce de canard nicheur, ses effectifs approchant ceux du colvert toujours abondant mais dont l’origine sauvage devenait de plus en plus douteuse.

Fuligule milouin/mâle

Après la seconde guerre mondiale, de nouvelles politiques de gestion hydraulique (lacs réservoirs destinés à la production d’énergies, extraction de granulats) ou agricole (drainage, assèchement de vastes complexes humides) sont appliquées dans l’est de l’Europe. La première favorise l’hivernage des fuligules. La seconde s’exerce au détriment des sites de nidification.

Entre exode et migration, venant de Sibérie, d’Ukraine et des pays baltes, drainés par le Rhône et le Rhin, par le Danube et les lacs alpins, les fuligules trouvent les étangs de Dombes.

Leurs effectifs sont spectaculaires lors de la remontée de février. Les étangs se parent soudain d’argent : une lourde étole de milliers d’oiseaux au plumage parfait, resplendit dans les lumières les plus crues et durant les températures les plus vivifiantes de l’année.

Mais, le revers de la médaille n’a rien d’étincelant. Le rougeot, de moins en moins, réussit sa reproduction, à l’instar des autres canards… Son abondance entre novembre et février ne reflète pas la brutale réalité de la condition des oiseaux qui se reproduisent ici (voir à ce sujet la page : aux sources de l'équilibre/l'évolution des peuplements d'oiseaux).

Population actuelle :Fuligule milouin/couple

Fuligule milouin/nichée

Sans doute de l’ordre d’un millier de couples potentiels : mais un nid sur trois en moyenne atteint le stade de l’éclosion.

L’hivernage est variable, dépendant des conditions d’accueil sur les étangs, du gel notamment. De quelques centaines à près de 10000 individus en décembre. La migration prénuptiale peut totaliser simultanément jusqu’à 25000 individus en février.

La Nette rousse

voir également : album PICASA

Beaucoup décernent à la Nette rousse Netta rufina le titre de plus beau canard d’Europe. A n’en pas douter, il est un des plus originaux. Le mâle arbore seul les tons chauds qui lui confèrent une allure quasi exotique. Les lacs alpins, helvétiques et bavarois, concentrent plusieurs milliers de ces oiseaux en hiver. Cette proximité traduit une récente modification des habitudes d’hivernage de l’espèce. Elle pourrait valoir à la Dombes de devenir la plus importante station de nidification du pays.

Le parasitisme des nids d’autres espèces de canards est un trait occasionnel du comportement reproducteur de la Nette rousse.

Population actuelle :

Peut-être le seul Anatidé en expansion. Une expansion relative limitée par une faible productivité des couples. Le 3ème Anatidé en fréquence comme en abondance après le Canard colvert et le Fuligule milouin.

Ses effectifs en début de printemps avoisinent 500 individus.

Hivernage limité à quelques individus : l’essentiel se rassemblant par milliers sur les lacs suisses.

Nette rousse/parade nuptiale

Nette rousse/couple

Nette rousse/nichée

Cette jeune nette (à droite) a été élevée au sein d'une nichée de colverts

Le Fuligule nyroca

Le nyroca Aythya nyroca est un des canards les plus rares, les plus mythiques d’Europe. Notre région demeure un de ses derniers fiefs en notre pays, du moins un de ceux où il a tenté le plus régulièrement de se reproduire.

Une tentative de réintroduction a échoué au milieu des années 70. Entre 2000 et 2010, les nichées de 1 ou 2 couples sont régulières, très localisées, sur un site (ou à proximité) particulièrement géré et protégé : les étangs de la Fondation P. Vérots.

Le contexte écologique est toutefois globalement peu favorable à l' expansion du nyroca. Un renforcement artificiel de ce noyau (naturel ?), est actuellement à l'étude, à l'initiative du Parc des Oiseaux de Villars les Dombes ; son intérêt serait augmenté dans la mesure où il eût été précédé d’une restauration significative des milieux.

Population actuelle :

Régulier en hivernage parmi les rassemblements de fuligules, son effectif peut au mieux totaliser simultanément jusqu’à une dizaine d’individus. Sa reproduction est annuelle depuis la fin des années 1990 : un noyau de quelques couples semble s’est formé dans l’ouest de la Dombes, autour de St Jean-de-Thurigneux. Il est irrégulièrement cité dans d’autres secteurs.

Le seul Anatidé de la Directive Oiseaux (espèce protégée).

Fuligule nyroca

Fuligule nyroca : un iris blanc caractéristique

Des nyrocas reconnaissables à leur silhouette sombre et à leurs sous-caudales blanches paradent parmi des milouins


23oct/10Off

Etudes : quels oiseaux rencontrer en Dombes forestière

Une information originale sur les peuplements aviaires (on dit de plus en plus souvent "aviens") de Dombes, déclinés en 3 graphes tirés d'études réalisées par l'auteur dans un cadre professionnel (ONCFS) ; la méthode utilisée est proche de l'Indice Ponctuel d'Abondance (IPA) : 3 relevés printaniers de 20 minutes chacun ont été réalisés sur des étangs au plus près de l'eau libre et des massifs végétaux aquatiques. La technique conjugue écoute des chants d'oiseaux et observation visuelle.

Oiseaux forestiers (et de lisière)

Pic noir : est-il une espèce si forestière ?

Bruant jaune : un oiseau des lisières

Espèces aquatiques et paludicoles des étangs de Dombes

Rousserolle turdoïde : le choix du roseau

Grèbe castagneux : des étangs pourvus en végétation aquatique

Peuplement avien de la périphérie de l'étang dombiste

Bergeronnette printanière : espaces ouverts, prairiaux, voire céréaliers

Hypolaïs polyglotte : la haie