Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

10juin/11Off

De la haie…

Si toutefois Natura 2000 a défini ses priorités, dont la hiérarchisation est fonction d’une part des enjeux que représente le local dans la biodiversité nationale, et d’autre part de la masse budgétaire qui lui est allouée, alors, la haie n’en fait partie. Alors que dans l’application de la Directive Oiseaux, concrétisée sur le terrain par l’extension du périmètre Natura 2000, on s’attachera à réhabiliter la prairie, la haie, complément linéaire de la strate herbacée, et détentrice de plusieurs espèces animales inscrites dans ladite directive ainsi que dans la Directive habitats (Chiroptères [1], est ignorée.

Bresse et Dombes sont sœurs, au point que l’on ne sait pas toujours où commence l’une et où finit l’autre. Toutes deux ont leurs étangs, leurs haies, et il semble qu’on ne leur laissât point d’alternative : le bocage définirait le paysage de la première comme l’étang signe celui de la seconde. Le bocage bressan, ancré dans son paysage depuis le 17ème siècle, et bien qu’ayant… de beaux restes, a souffert encore dans un passé récent. Parlant de la Bresse, on se rendra sans doute bientôt compte qu’on aurait pu anticiper et se préoccuper également d’étudier le potentiel biologique de ses étangs, complémentaires de ceux de la Dombes, et réceptifs à une part de la faune de cette dernière et qui n’y trouverait plus sa place… Mais comme les étangs de Bresse, le « bocage » de Dombes ne suscite qu’insuffisamment d’intérêt, ne fait l’objet d’aucun monitoring. Et il s’altère dans une indifférence qui préoccupe au moins les environnementalistes.

La haie est pourtant omniprésente en Dombes. Celle-ci s’est faite discrète grâce à elle. C’est elle, avant les cultures, qui dissimulait les eaux, seulement perceptibles grâce aux voix sauvages qui en jaillissent. Le nord de la Dombes, plus orienté vers l’élevage, plus prairial, semble avoir mieux conservé son réseau bocager. Mais peut-on seulement parler de bocage ? Peut-être. Et encore, localement seulement on retrouve l’ambiance des chemins creux ombragés et des eaux miroitant à distance au travers des branchages. Élevage, pâtures, des haies pour clôtures…On reconnaît là l’histoire et les premiers rôles dévolus à la haie : séparatrice de parcelles, de propriétés, lieu d’affouage [2] réservé au fermier et de récolte de quelque bois d’œuvre. Au long de l’étang, le rideau d’arbres qui l’enchâsse, clôt la propriété, occulte jusqu’à son existence, en une quête réussie d’intimité.

Mais la haie, basse et buissonnante ou de haut jet, qui sépare les cultures et les pâtures, borde les fossés et les cours d’eau, retient les sols et limite les effets érosifs du vent ou du ruissellement, tamponne certaines pollutions, celle-ci mérite notre attention. A nos yeux elle rompt la monotonie des plaines. Pour la faune, elle crée un univers et en relie d’autres. Elle est relais ou port d’attache. Le saule têtard ou le vieux chêne recèlent en leurs creux aubiers le Pigeon colombin et la Hulotte Strix aluco. La Fouine y gîte comme la Noctule et le Vespertilion [3], en attendant l’heure ou l’ombre remplacera la lumière.

Traversant la prairie en un binôme gagnant, on y verra la Pie-grièche dominer l’épineux, Aubépine ou Epine noire, d’où elle plongera sur sa proie.

Dominée par le Chêne et quelque Frêne, la continentale Fauvette babillarde en laisse échapper son trille vif comme une cascade. Face au soleil, c’est la Fauvette grisette Sylvia communis qui prend le relais d’une courte strophe bondissante et aigrelette, accompagnée de la diatribe soutenue et déconcertante de l’Hypolaïs polyglotte Hypolais polyglotta.

Alors qu’elle est peut encore être considérée comme incompatible avec les modes de production céréalière plutôt adaptés aux grands parcellaires, et alors qu’aucun texte n’interdit de couper une haie, on assiste à des opérations de réhabilitation du bocage, essentiellement en Bresse. Pour exemples, d’une part la Communauté de Communes de Pont de Veyle, laquelle intègre quelques communes du nord-ouest Dombes, et d’autre part le syndicat mixte des Territoires de la Chalaronne, pour ce qui concerne l’aval de cette rivière – nous avons quitté la Dombes des étangs- sous l’impulsion du Contrat de rivière soutenu lui-même par un réseau de partenaires, [4], l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et la Fédération Départementale de Pêche de l’Ain ont lancé un projet de replantation de haies.

Dans l’Ouest de la Dombes au contact de la rivière Formans, le Syndicat Intercommunal d’Aménagement Hydraulique de Trévoux et des environs (SIAH) appuyé par la Chambre d’Agriculture de l’Ain a prévu de replanter plusieurs kilomètres de haies doublées de bandes enherbées, après que des orages causèrent inondations et coulées de boue.((Brève de territoire, Chambre d’agriculture de l’Ain, n°5 nov. 2010))

Ces attentions sont louables mais sans doute encore loin d’être à la hauteur de la toujours actuelle valeur patrimoniale et paysagère de la haie. Lorsque l’une d’elles a disparu, et que d’aventure – au sens littéral du mot - on la replante, il lui faudra plusieurs décennies pour recouvrer la diversité de son peuplement. Cela prendra moins longtemps pour un arbre fruitier ou un saule que pour un chêne, pour qu’une cavité se creuse et accueille la Huppe fasciée Upupa epos et la Chevêche Athene noctua. Et encore moins longtemps si on ne la détruit pas.

Un grand chêne abattu

Le spectacle de ce grand chêne déraciné, quelles qu'en aient été les raisons, interpelle quant à l'interaction entre pratiques actuelles et maintien de la biodiversité.

Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne

Qui, sorti de son ventre, allait jusqu’au ciel bleu ;

Une race y montait comme une longue chaîne ;

Un roi chantait en bas, en haut mourait un Dieu.

((V. Hugo, La Légende des Siècles, 1859, Première Série II))

Il nous faudra compter sur une information continue, sur une véritable stratégie de sensibilisation auprès des exploitants pour que ceux-ci, au moins sur des initiatives individuelles –c’est parfois le cas - commencent de considérer leurs haies sous un angle qui ne serait plus celui de la gêne.

Chevêche d'Athéna

Le peuple de la nuit : Chevêche d'Athéna...

... La Chouette hulotte

...La Chouette hulotte : le Chat-huant

Et pourtant, je ne puis (…)

Entretenir cette calme sagesse qu’il y a longtemps

Le grave maître athénien enseigna aux hommes

L’assurance de soi, la connaissance de soi, la tranquillité d’esprit

Pour voir passer la tête haute les vains fantasmes du monde.

Hélas ! Ce front serein, ces lèvres éloquentes,

Ces yeux qui furent le miroir de l’éternité,

Reposent dans leur propre Colone [5], une éclipse

A dissimulé la Sagesse, et Mnémosyne

N’a plus d’enfant ; et dans la nuit où elle avait prévu

Qu’il s’évaderait facilement, le hibou d’Athéna [6] lui-même s’égara. »

((Oscar Wilde, Humanitad, 1881))

La Pie-grièche écorcheur

Rapace parmi les passereaux, terreur des mille et une pattes, depuis l’araignée Thomise, caméléon à l’affut de l’abeille qui viendra butiner l’églantine, jusqu’au minuscule Rat des moissons dont l’œil s’allume à l’entrée de son nid d’herbe perché.

Pie-grièche écorcheur/mâle Pie-grièche écorcheur/femelle

Mi-faucon guettant sa proie depuis une clôture, le sommet d’une haie, ou un câble électrique qui longe la route secondaire, mi-gros moineau auquel elle emprunte parfois la voix, elle qui, en vraie Diane préfère le silence.

Elégante et sereine, telle est la Pie-grièche écorcheur Lanius collurio, petit seigneur des étés européens qui associe indéfectiblement la haie épineuse et les prés : la première protège sa progéniture, les derniers sont son terrain de chasse.

Un Campagnol a fait les frais de la chasse de ce mâle Pie-grièche, une chenille ceux de sa femelle

Ponctuant son territoire, sa signature annonce son régime alimentaire et règne par la peur sur ses sujets : un garde-manger aux allures de gibet. L’Epine noire et l’Aubépine, à moins que ce ne soit le croc d’un fil barbelé, se font planche à larder, exposant brochettes de Cétoine, de Sauterelle verte, ou encore bras de Campagnol agreste.

En Dombes, la Pie-grièche écorcheur est la plus régulière représentante de sa famille, sans jamais être abondante. On y croise bien occasionnellement quelque Pie-grièche à tête rousse Lanius senator, migratrice en escale, mais cela est bien rare. En hiver presque exclusivement, la Pie-grièche grise Lanius excubitor se substitue à l’écorcheur, préférant comme poste d’affût les câbles du téléphone aux branches d’aubépine.

La Pie-grièche écorcheur est, des oiseaux prairiaux, celui qui devrait s’en sortir le mieux : parce qu’elle ne niche pas au sol et n’est pas assujettie au rythme des fenaisons. Las, la haie n’a pas encore la totale faveur d’un monde agricole, en mutation certes, mais où, perdurent – nécessité ou besoin – des pratiques sans doute désormais révolues. La haie – doit-on encore parler de bocage – recule encore, pressée par une optimisation des temps et coûts de production, héritages du Grand Remembrement des années soixante, confrontée à une mécanique puissante vouée à de vastes parcellaires uniformisés.

Population :

Effectifs toujours sous-estimés du fait de sa discrétion (elle chante rarement) en l’absence de dénombrements spécifiques ; actuellement aucune estimation sérieuse des populations. D’assez commune dans les années soixante et soixante-dix, elle est devenue plus localisée, voire absente de communes dépourvues de bocage et de surface en herbe.  Très belle population en Val de Saône, certaines communes comptant de l’ordre d’une centaine de couples.

Directive oiseaux

La Huppe fasciée

La huppe s’anime d’un va et vient langoureux d’éventail. Dérangé dans sa quête d’un insecte terrestre, un grillon peut-être, l’oiseau semble courroucé. Comme contraint de s’élever du chemin creux d’un vol papillonnant. On entendra mais un peu plus tard son appel comme assourdi, lointain, une onomatopée quasi-parfaite qui lui a donné son nom scientifique (au passage, « Upupa » ne signifiant pas « huppe »!) : « houpoupou »…

La Huppe fasciée Upupa epops c’est une part d’exotisme dans notre ruralité, un visiteur d’été aux accents subsahariens transposé à nos frais bocages. Grande pourfendeuse de courtilières, alliée du jardinier et autre maraîcher sous nos latitudes, elle devient terreur des criquets et des sauterelles en Afrique, où l’hiver venu elle rejoint des sédentaires conspécifiques. Son nid, elle l’aménage dans un de ces arbres creux, pommiers de ce verger où elle le disputera peut-être à une Chevêche, plus surement encore à un Etourneau sansonnet, un trou dans le chêne de cette haie, dans une fissure du pisé d’un vieux mur de cette ferme.

On l’aura compris, son habitat est composé, varié, de lisières et de vieux arbres, de prés, de jardins et de friches. Tiens comme la Chevêche, ou peu s’en faut !

Commune avant 1960 [7], elle est donnée sur le déclin dès le milieu des années 1970. La tendance, qui ne tient pas qu’à la Dombes, ni à la région Rhône-Alpes, ne s’est pas inversée depuis [8].

Population

Quelques couples en Dombes où sa population décline. Elle est d’observation encore plus régulière en Val de Saône et en Bresse.

Huppe fasciée

Hypolaïs polyglotte

  1. Chauves-souris []
  2. Terme plus généralement appliqué à un droit de récolte du bois « à mette au feu », ou au foyer, dans les parcelles communales []
  3. chauves-souris []
  4. le Conseil Régional Rhône-Alpes, Le Conseil Général de l’Ain []
  5. Colone : bourg de l’Attique, patrie de Sophocle []
  6. Le nom complet de la chevêche est « Chevêche d’Athéna », la déesse dont elle est la compagne de tous les instants. []
  7. Meylan (1938) et Vaucher (1955) in Alain Bernard et Philippe Lebreton :2007, Les oiseaux de la Dombes : une mie à jour []
  8. Les oiseaux nicheurs rhônalpins, 1975, CORA []
16jan/11Off

Visiteurs venus du froid (2) : la Buse pattue

Voir aussi mon album photo éponyme : "Visiteurs venus du froid (2) : la Buse pattue".

L'hiver 2010/2011 n'en finit pas, ainsi, de nous révéler son lot de surprises ornithologiques.

Buse pattue  perchée sur un cèdre
Buse pattue : remarquer les tarses emplumés

Quelques jours après que douze Cygnes chanteurs ont été localisés à l'Est de la Dombes, un ornithologue [1] repère une Buse pattue à proximité d'Ars sur Formans. La probabilité est rarissime de découvrir, et d'identifier une Buse pattue Buteo lagopus parmi la masse de buses variables Buteo buteo hivernantes - bien supérieure à l'effectif estival- omniprésentes sur le bord des routes où, en hiver, les opportunités de se nourrir à bon compte de proies écrasées sont nombreuses. Il fallait donc bien pour cela un ornithologue confirmé.

Celui-ci a-t-il été interpellé par la relative indifférence de ce rapace littéralement scotché autour d'un rond-point à grande circulation, dans l'immédiate proximité de Villefranche-sur-Saône ? Ou lorsqu'elle chassait en vol stationnaire dit du "Saint-Esprit" ? Ce comportement occasionnel chez la Buse variable étant plus caractéristique de la "pattue".

Faire la différence entre les deux espèces de buses est un véritable exercice de style, surtout si on considère la variabilité des plumages de la Buse variable ! Pour faire court, la Buse pattue se reconnait essentiellement au vol à sa queue blanche, ou pâle, avec une (ou plusieurs) barre terminale - ou plutôt subterminale -sombre, à ses "poignets"  également sombres vus de dessous, et à une large zone ventrale sombre également.  Au repos, ses tarses (les pattes) semblent plus courts que ceux de la Buse variable et surtout sont emplumés.

Buse pattue au sol
Buse pattue : ventre largement barré de sombre, bord d'attaque des ailes pâle

Buse pattue : l'envol
Buse pattue : à l'envol base de la queue claire et barre sombre terminale, "poignets" sombres

La Buse pattue est un visiteur hivernal arctique : elle nous gratifie de sa présence pour un second hiver consécutif. En 2007, le CORA ne recensait que 3 citations datant de 1948, 1983 et 1988 ! Sa distribution hivernale s'arrête en principe à nos frontières septentrionales et orientales. En fait, là où s'arrête la distribution estivale de la Buse variable vers le Nord, la Buse pattue la remplace : c'est essentiellement une buse de la toundra où elle se nourrit essentiellement de micro-mammifères , tels que les campagnols.

Celle qui nous rend visite est un jeune.

Son comportement peut paraître déconcertant : elle chasse à l'affût depuis les panneaux indicateurs qui bordent un nœud routier extrêmement fréquenté, plonge sur ses proies par devant les véhicules, se complait à trôner sur un jeune cèdre qui matérialise le centre d'un rond-point. L'oiseau n'a-t-il jamais eu de contact avec l'homme ? Ou bien au contraire, vient-il d'un milieu fortement anthropisé (postulat certes sujet à discussion, car au cœur du grand Nord...) ? Rapidement devenue coqueluche de la communauté ornithologique et photographique locale, elle peut faire montre de quelque lassitude, à changer de perchoir plus fréquemment qu'elle ne le désire, au risque de de multiplier ses risques de collision avec les véhicules. C'est la difficile rançon de sa rareté en ces lieux. Bref, ayant profité également de son apparente passivité, nous souhaitons collectivement que les conditions qui l'ont poussé à stationner en Dombes favorisent sa survie et non l'inverse...

La 1ère version de cet article est rédigée à la mi-janvier  2011. Une conclusion tristement prémonitoire : ce splendide visiteur, trouvera finalement la mort "au bout de la route" un mois plus tard, aux environs du 20 février, percutée par un véhicule...

Quelques photos de Buse variable : testez votre capacité à faire la différence

Buse variable

Buse variable, plumage type

Buse variable perchée, paysage de neige

Buse variable : des tarses plutôt longs et non plumés

Buse variable au sol sur une proie

Buse variable : une queue sans barre terminale sombre, absence de contraste

Buse variable type en vol

Buse variable, "morphe" type, des similitudes avec la "pattue" mais queue sombre

  1. Maxime Birot-Colomb []
9jan/11Off

Visiteurs venus du froid

Voir aussi mes deux albums photos éponymes : "Visiteurs venus du froid" et "Visiteurs venus du froid (2)".

Lorsque les Environnementalistes sont moroses, les Naturalistes eux ont toujours de quoi voir la vie, simplement, en rose. Car, quelle que soit la marche du temps, quelles que soient les évolutions de la biodiversité, dont les plus attendues restent invariablement négatives, un lieu géographique donné apportera toujours son lot de nouveautés, de raretés, parfois d'incongruités ornithologiques. Le Biologiste est supposé avoir un vision élargie des interactions qui ont une incidence sur la distribution et les tendances démographiques des espèces.

Ce qui aujourd'hui est considéré comme un phénomène occasionnel ou exceptionnel comme l'arrivée dans une région d'une espèce inhabituelle, pourrait à terme devenir la normalité : ainsi évolue la vie, qu'on la pousse ou non dans telle ou telle direction. Ces thèmes sont abordés dans deux autres articles : "En hiver" et "L'évolution des populations d'oiseaux".

L'hiver 2010/2011 laissera une trace dans les annales locales et pas seulement parce que notre pays aura été comme  paralysé par quelques flocons, ce qui somme toute change peu à la relative rudesse des hivers tels que perçus habituellement par les Dombistes, du moins lorsque non manipulés par des médias en talons aiguilles et escarpins. En fait la vague de froid qui a déstabilisé l'Europe a également poussé son lot d'oiseaux migrateurs bien au-delà de leur distribution hivernale normale.

Le Cygne chanteur Cygnus cygnus, le Cygne de Bewick Cygnus bewickii sont de ces touristes venus du froid.

La Buse pattue Buteo lagopus également. Cette dernière que nul autre qu'un ornithologue confirmé pourra extraire de la masse des buses variables Buteo buteo, autrement dit notre buse "commune", visibles depuis le bord de nos routes, plus commune d'ailleurs en hiver qu'en été,  nous gratifie de sa présence pour un second hiver consécutif : en 2007, le CORA ne recensait que 3 citations datant de 1948, 1983 et 1988 !

Avant Noël 2010, deux Cygnes de Bewick sont observés au Plantay (01). Du 15 au 20 janvier précédent deux "Bewick" avaient déjà fréquenté la Dombes (Monthieux). La Dombes totalise une quinzaine de mentions depuis 1966 (A. Bernard/CORA-Ain). Le Cygne de Bewick est un hivernant régulier en France depuis 1960 environ. Ses effectifs demeurent néanmoins modestes, navigant entre cent et deux cents oiseaux, répartis notamment entre la Camargue, les lacs et étangs de Lorraine (Forêt d'Orient) et de Champagne (Der-Chantecoq).

Mais 2010 marque surtout un hivernage exceptionnel du Cygne chanteur en Dombes ! C'est la 6ème mention locale de cet oiseau. La dernière remontait à 1998, et au mieux, 7 oiseaux étaient notés au Plantay en 1985 (A. Bernard/CORA-Ain). Cette fois il s'agit d'un groupe de 12 oiseaux. Cet effectif a de quoi être exceptionnel : le Cygne chanteur, bien qu'étant également un hivernant régulier dans notre pays ne totalise qu'occasionnellement une centaine d'individus essentiellement répartis entre les lacs lorrains, champenois et le cours du Rhin.

Des cygnes chanteurs dans un colza

Cygne chanteur

Un afflux de ces deux cygnes septentrionaux en France est le plus souvent lié à un épisode météorologique hivernal particulièrement rigoureux sur leur aire d’hivernage habituelle, très globalement située sur les pays à la périphérie de la Mer du Nord. Les deux espèces se reproduisent essentiellement dans la toundra arctique, le Bewick étant encore le plus septentrional des deux, se cantonnant aux confins de l'Océan Glacial Arctique (Nouvelle Zemble par exemple), le Cygne chanteur se reproduisant plus au sud déjà, en Suède.

Cygne de Bewick

Cygne de Bewick : bien plus petit que le Cygne tuberculé ; bec plus noir que jaune

La présence simultanée de ces deux oiseaux est donc un véritable événement en Dombes. Même si cette région est plutôt coutumière d’hivers plutôt rigoureux, dus à sa situation géographique, et pouvant paraître amplifiés par leurs atteintes physiques sur les paysages : le gel fige les étangs de Dombes 2 à 5 semaines par an. Il n’y a pas si longtemps, au cours de l’hiver 2005/2006, qui avait plus marqué les esprits par son noir épisode d’Influenza aviaire, les étangs n’avaient pas dégelé durant plus de 40 jours d’affilée.

Pour les ornithologues, la recherche annuelle constante et hypothétique de cygnes « au bec jaune » mêlés au millier de cygnes tuberculés constamment en Dombes (au bec orange) est cette fois récompensée. Et pourtant les visiteurs ne se trouvent peut-être pas là où on les escomptait.

Cygne chanteur

Cygne chanteur : grand comme un Cygne tuberculé ; bec plus jaune que noir

Le groupe de cygnes sauvages (autre appellation du Cygne chanteur) arrive en Dombes aux environs de Noël selon la Fédération Départementale des Chasseurs de l’Ain.

Il se cantonne à la périphérie orientale du plateau : moins riche en étangs, ce secteur est moins fréquenté par les ornithologues qui localisent le groupe au cours de la 1ère semaine de janvier (Rémi Rufer). Les oiseaux pâturent sur une parcelle de colza sur la commune de la Tranclière : un comportement terrestre habituel pour cette espèce sur ses lieux d’hivernage. Ils y reçoivent un certain nombre de visites : en effet, à quelques kilomètres près, on n’est bien moins habitué à la présence du cygne qu’en Dombes centrale. La confusion avec le Cygne tuberculé est probable : à l’exception des naturalistes, peu de gens se promènent équipés de jumelles et par ailleurs qui penserait à un « autre » cygne ?

A ceci près qu’en Dombes, au contraire de nombreuses autres régions où il est impliqué dans des déprédations sur des parcelles cultivées, le Cygne tuberculé quitte rarement le domaine aquatique.

Le groupe se lève plutôt mollement au passage d'un engin agricole, et même à l’approche d'un couple bien intentionné venu leur donner du pain. Je tente d’éviter leur fuite par une intervention la plus discrète possible, quelques appels de la main par la fenêtre de mon véhicule. Et informe les visiteurs de la rareté de leur propre observation.

Cygnes tuberculés

Cygne tuberculé (commun) : grand, une silhouette typique, un bec orange vif avec une excroissance charnue à la base

Deux jours plus tard ils se trouvent en matinée sur un étang de Chalamont 11km au sud-ouest (Benmergui/ONCFS), et l’après-midi, km à l’est de l’étang se nourrissant sur un chaume de blé (Laporte & Dej/ONCFS, Guillaume Gayet). On peut encore les y observer au 12 janvier.

Entre le 21 et le 28 janvier ils sont cantonnés sur la limite communale séparant Chatenay de Villette-sur-Ain, sautant d'une parcelle de colza à l'étang gelé proche. Et puis ils disparaissent, retournés semble-t-il  vers des contrées éloignées où glaces et neiges auront perduré.

Cygnes chanteurs sur un étang dombiste gelé

Fin janvier, les cygnes sauvages alternent entre une parcelle cultivée et l'étang voisin gelé

Cygne chanteur et Cygne tuberculé sur un étang gelé

Cygne chanteur et Cygne tuberculé se cotoient à nouveau sur cet étang de Villette (Ain)

Mais là ne s'arrête pas cette chronique qui aura une suite inattendue.

Voici donc qu'un soir de juin 2011, le 7 exactement, je m'arrête sur un étang de Villette. Un couple de cygnes sommeille à proximité d'un distributeur de grains, sur la berge qui me fait face.

Couple de cygnes chanteurs

Deux cygnes se reposent sur la berge de l'étang...

Quoi de plus normal. Coup de jumelle balayant, semi-circulaire. Retour sur image : un doute. Les cygnes ne sont pas des "tuberculés" logiquement attendus ! Il s'agit bien de 2 cygnes chanteurs ! Plus insolite encore, un couple même, qui quittera sa berge, gagnant le centre de l’étang où il se gavera de potamot pectiné. Mieux, les cygnes vont parader, "chanter". Un indice de reproduction inédit sous nos climats.  Coup de fil à un ornithologue référent : Pierre Crouzier. Il  arrive un peu plus tard sur les lieux et assiste aux mêmes démonstrations. Nous ne trouvons pas de nid. Juin : c'est tard pourtant, et si nid il devait y avoir... Deux jours plus tard les oiseaux sont encore sur l'étang.

Les cygnes chanteurs paradent, dans l'Ain. En juin !!!

Deux cygnes chanteurs se nourrissent de potamot

Le couple de cygnes chanteurs se gavent de potamot pectiné

Mais ce sera la dernière observation les concernant. Avons-nous hâté leur départ, ou plutôt leur fuite ? Quel autre élément perturbateur sinon ce couple de cygnes, classiquement "tuberculé" cantonné - tardivement : subadultes , nidification échouée sur un autre site ? Un propriétaire d'étang aurait-il fait la différence entre ces oiseaux et un couple de cygnes tuberculés ? Quel lien entre ces cygnes chanteurs et ceux arrivés en Noël 2010... Sinon que l'étang où ils ont du se cantonner plusieurs semaines durant au moins avant qu'ils soient détectés n'est distant que de quelques centaines de mètres du lieu de leur dernière observation hivernale ?

20déc/10Off

Plantes invasives : La menace de la Jussie à grandes fleurs

La Jussie

En 1996, on découvrait dans le nord de la Dombes un étang recouvert dans sa totalité d’une formation végétale inconnue ici à l’état spontané. L’étang au premier regard, est paré d’une magnificence rare, totalement, densément fleuri, de fleurs entièrement jaune d’or, d’un feuillage d’un vert ciré, émeraude : il ne s'agissait ni du Rorippe aquatique Rorippa amphibia, ni de la Villarsie faux-nénuphar Nymphoides peltata, tous deux capables de s’étendre en de très vastes formations. Mais…

fleur de Jussie

Jussie, jolie fleur mais attention : fléau

On déchante très rapidement lorsque, identifiée, la plante se révèle être la Jussie à grandes fleurs Jussia grandiflora.

La Jussie est alors rapidement localisée sur quelques rares mares et plans d’eau privés, la plupart ne semblant pas connectés au réseau hydrographique principal. En 1997, elle décore un plan d’eau d’un établissement scolaire en centre Dombes, et un bassin privé du sud-est. En 2008, les bassins d’exposition d’une entreprise horticole du nord-ouest de la Dombes en sont envahis.

Un plan d'eau où on a introduit la jussie pour ses qualités décoratives

En Dombes , cela a peut-être commencé ainsi : par l'introduction de la Jussie pour ses qualités décoratives

On la connaît dans bien d’autres régions de France, depuis les marais et canaux méditerranéens jusque dans l’ouest et le centre de la France. Des dizaines d’étangs brennous sont étouffés par la densité de son emprise et son dynamisme racinaire. Sa prédominance sur les autres espèces est telle qu’elle envahit les milieux aquatiques, ne laissant aucune chance à la diversité végétale autochtone.

Le combat qui est mené dans ces régions inquiète la Dombes qui craint sa prolifération.

Celle-ci, étonnamment, mais heureusement, tarde.

Il faut attendre 2006 pour qu’un second étang dombiste soit contaminé. Il n’est pas situé sur une même ligne d’écoulement des eaux que le premier mais se révèle appartenir au même propriétaire. La lutte commence, alerte donnée conjointement par les services de l’état (l'ONCFS et le syndicat des exploitants d’étangs).

En 2008, un troisième grand étang, situé à 20 kilomètres plus au sud est touché par la peste végétale, alors que jusqu’ici essentiellement des petits plans d’eau étaient concernés. Depuis, plusieurs étangs ont été "contaminés".

Sur la Veyle, une des rivières principales qui traverse la Dombes du Sud vers le Nord-ouest pour se jeter dans la Saône, le syndicat mixte chargé du Contrat Rivière, lance une campagne d’arrachage. Car il n’y a pas d’autre moyen efficace connu actuellement de lutter contre cette plante invasive et qui menace les écosystèmes aquatiques :

Originaire du Brésil, la Jussie a été introduite dans notre pays au début du 19ème siècle afin d’agrémenter le Jardin des Plantes de Montpellier. De là, elle s’acclimata dans le sud de la France, avant de se disperser dans de nombreux pays européens.

Un arrêté du 2 mai 2007 du ministère de l'Agriculture et de la pêche interdit sur tout le territoire métropolitain, le colportage, la mise en vente, la vente, l'achat, l'utilisation ainsi que l'introduction dans le milieu naturel, volontaire, par négligence ou par imprudence de deux espèces de Jussie, Ludwigia peploides et Jussia grandiflora.

Etang envahi par la Jussie

Un étang envahi par la Jussie : elle a remplacé toute autre composante végétale autochtone

On comprend mieux le problème que constitue la Jussie, une fois que l'étang est vidangé

Une espèce appartenant à la même famille est au contraire protégée au niveau régional : il s’agit de la Ludwigie des marais Ludwigia palustris assez commune sur les étangs.

Ludwigie des marais

La Ludwigie des marais : occasionnellement, temporairement, lors de basses eaux, elle peut s'étendre sur un étang. Elle ne constitue pas un danger écologique pour la vie de l'étang

Ludwigie des marais

La fleur de la Ludwigie des marais est, à l'inverse de celle de la Jussie, minuscule, discrète et verte

La Jussie constitue une réelle menace pour l'ensemble de l'écosystème.

La Renouée du Japon

Toutefois de nombreux végétaux allochtones sont susceptibles de se révéler envahissants et de constituer un danger pour la biodiversité indigène. La Renouée du Japon Fallopia japonica est de ceux-ci. Elle est également présente en Dombes. Elle a essentiellement colonisé de nombreuses rivières du pays dont elle a étouffé la végétation rivulaire. L’Ain n’y échappe pas. Petite rivière de l’ouest du plateau, le Formans non plus. L'Association de Gestion et de Suivi Environnemental du bassin du Formans (AGESEF) a pris ce problème à bras le corps.

Feuilles et tiges florales de Renouée du Japon

La Renouée du Japon peut former de grands buissons dont il est difficile de se débarrasser

Si vous avez connaissance de la colonisation d'un terrain par ces végétaux, renseignez-vous sur les moyens de les éradiquer auprès des services compétents de l'Agriculture et de l'Environnement.

20déc/10Off

La végétation du centre de l’étang : les hydrophytes

Flottante, elle offre sans nul doute la palette aux accents les plus impressionnistes de tout le monde végétal aquatique. Ses formations se succèdent au fil des mois sur l’étang, le même ou bien un autre : à l’immaculé tapis de la Renoncule peltée Ranunculus peltatus, succède celui, rose gourmand de la Renouée amphibie Polygonum amphibium ou encore celui de la Villarsie Nymphoides peltata, aux feuilles d’un vert émeraude ciré et aux fleurs jaune vif. Plus rares ici sont le Nymphéa Nymphaea alba et le vrai Nénuphar Nuphar lutea. Les fleurs du premier, éclatées et blanches, semblent avoir été comme déposées sur les feuilles et l’eau. Celles du second, hésitent à s’épanouir, pudiques sphères jaunes à l’extrémité de leur pédoncule allongé.

Un étang ntièrement recouvert par la Renoncule peltée et détail de la fleur

Renoncule peltée (Ranunculus peltatus)

Villarsie faux-nénuphar

Villarsie faux-nénuphar

Tapis de Renouée amphibie sur un étang et photo de détail de l'inflorescence

La Renouée amphibie (Polygonum amphibium)

Vers la fin de l’été, des étangs entiers brunissent, comme atteints par la rouille, massivement, par la crainte, si peu souhaitée mais opiniâtrement récurrente...Châtaigne d’eau Trapa natans.

Sous la surface, la vie végétale est tout aussi riche, ou du moins devrait l’être. L’identification des végétaux y est souvent difficile : c’est essentiellement le domaine des potamots Potamogeton sp, de la Myriophylle en épis, des Characées. Leur développement n’est pas que subaquatique, et des espèces comme le Potamot noueux Potamogeton nodosus et le Potamot nageant Potamogeton natans étalent ostensiblement feuilles et inflorescences à la surface. La Myriophylle ne laissera apparaître que de minces épis rosissants, alors que la Cornifle (ou Cératophylle) Ceratophyllum demersum et les rugueuses Naïades Naias sp demeureront densément et subaquatiques.

Potamot nageant

Potamot nageant (Potamogeton natans)

Potamot luisant

Potamot luisant (Potamogeton lucens)

Myriophylle en épis : feuilles et détails de l'inflorescence

Myriophylle en épis (Myriophyllum spicatum)

Un mâle Nette rousse s'alimentant dans un herbier aquatique de surface

Les herbiers aquatiques : une importante ressource alimentaire pour les oiseaux, ici un mâle Nette rousse

La Châtaigne d’eau

Plus que tout autre macrophyte (plante aquatique) la Châtaigne d’eau, qui est une plante indigène est considérée comme une plaie, car son épais feuillage freine la pénétration de la lumière et gêne le développement des poissons. Aussi, est-elle à l’origine d’une autre pratique : le faucardage, un exercice mécanique consistant à limiter son emprise. Pour cela, on utilise une embarcation légère à moteur et fond plat, munie généralement de deux barres de coupe, une verticale, une horizontale. Cette méthode, est contraignante, fastidieuse même sur de grandes étendues. Son effet n’est pas probant sur le long terme, mais elle est actuellement, de loin préférable, à une lutte chimique, moins sélective et dont l’incidence sur la communauté végétale est plus douteuse[BM1] .

Etang entièrement couvert par la Châtaigne d'eau, de couleur poupre enfin d'été

Le tapis caractéristique pourpre de la Châtaigne d'eau (Trapa natans) en fin d'été

Cette régulation mécanique a l’avantage de pouvoir être ajustée aux zones colonisées par la Guifette moustac. C’est afin de protéger la reproduction de cet oiseau qu’il a souvent été proposé depuis 1994 aux gestionnaires d’étangs une indemnité permettant de compenser le manque à gagner occasionné par la conservation partielle du tapis végétal.

Faucardage en cours de Châtaigne d'eau

Le faucardage de la Châtaigne d'eau

La gestion des milieux végétaux qui accueillent les colonies de guifettes est prise automatiquement en compte par exemple par les mesures Natura 2000, ou dans certaines mesures dites aqua-environnementales. Ailleurs, et cela implique l’essentiel des colonies, aucune mesure de conservation n’entre en vigueur.

Guifette Moustac et Grèbe à cou noir

La Guifette moustac et le Grèbe à cou noir : deux hôtes typiques de la végétation du centre de l'étang


[BM1]voir un commentaire précédent : chaulage, etc….

20déc/10Off

S’il faut conclure

A sa façon, l’insondable histoire de l’évolution se répète donc au creux du pays de Dombes.

L’oiseau, comme la Vouivre tour à tour vénéneuse et enchanteresse, surgit de l’eau. De la Vouivre, il tient du reptile et cache son jeu. Seules ses pattes encore écailleuses trahissent sa maternité sulfureuse, mais il n’en a cure : courtes, il les tiendra sous l’eau, hautes, il les enduira de vase : en séchant la craquelure deviendra sa vraie nature…

"...Ses pattes encore écailleuses..."

"...La craquelure deviendra sa vraie nature..."

Il s’élève dans l’éther, abandonnant à son destin d’animal de ferme le « bec" [1] et le « panot »

La genèse de l’oiseau est, ici plus qu’ailleurs, l’histoire même de l’étang et du premier homme, sans pomme ni frusque, qui l’a modelé, si longtemps après les temps bibliques, et si loin de nous aussi.

Donc, l’oiseau serait d’argile.

D’une terre qui aurait échappé aux gestes d’amour de son créateur.

Comme elle, il s’épanouit en une foison inimaginable de masques aux couleurs du temps, de la forêt, de l’eau, de la terre et du feu.

Comme elle, il est fragile : une fois la vie l’ayant animé, son créateur craint de devoir n’y plus toucher par peur de rompre l’heureux enchantement.

Comme elle, encore fluide, glissant entre les doigts, il est alors impalpable, sauvage, rebelle.

Le sculpteur prend la mesure de sa responsabilité.

Il doit sans cesse composer avec ses enfants à l’adolescence des plus turbulentes. Il doit parfois affirmer son autorité auprès des plus rebelles ; il doit protéger de tous les ogres, le plus insignifiant de ses rejetons.

"...Le plus insignifiant de ses rejetons..."

Il sait qu’il ne doit pas les entraîner tous, sans distinction, sur le dédale de la plus obscure forêt : pour un seul d’entre eux, il ne peut se permettre, il n’en a plus le droit, de tous les perdre.

Les grands chantiers environnementaux en cours sont une opportunité pour la Dombes de conserver ce qui peut encore l’être, de retrouver ce qui n’y trouvait plus sa place, en tout cas ce qui la trouve péniblement ailleurs. Ils instaurent un dialogue, ou en restaurent l’habitude là où elle s’était quelque peu perdue.

Aujourd’hui 13 juin 2010 – mais chaque jour a un air de printemps - la Dombes est belle. Comme elle devrait toujours l’être. Une jonchaie à gauche, une vasière à droite de la chaussée qui sépare deux étangs.

"...Une vasière, un Tadorne de Belon..."

Sur la vasière, des échasses au nid, des vanneaux avec leurs poussins, qu’harcèle un couple de corneilles, inévitable. Quelques chevaliers, un Tadorne de Belon et une Spatule blanche. Nouvelle venue dans l’arche.

Un Héron cendré fait face à un autre, pourpré ; tous deux figés dans l’affût. Un Bihoreau passe en croassant. Une petite bande de guifettes passe, qu’annonce une série de cris brefs.

Une bande de guifettes...

Un chêne renvoie le chant de trois fauvettes, qui se répondent, compétiteurs sans animosité : celui de la bocagère Fauvette babillarde, celui de la forestière Fauvette à tête noire, celui, aigrelet, de la Fauvette grisette, oiseau des plaines buissonnantes.

La Dombes est ainsi, multiple.

Une Hypolaïs leur répond depuis le flanc ensoleillé d’une haie proche : il apporte une touche presque méditerranéenne à cet entrelacs sonore.

"...Une Hypolaïs leur répond..."

De la jonchaie, s’élèvent successivement l’appel strident et colérique du Râle d’eau, puis le roucoulement mélancolique d’une Poule d’eau.

Poule d'eau

Le petit peuple chante à tout crin depuis les saules : Bruant des roseaux, Phragmite des joncs et locustelles… Une dizaine de mâles milouins énamourés poursuivent une femelle, séparant au passage un couple de nettes rousses, indifférent.

La roselière, et ses voix, et ses senteurs, manquent au décor.

"...La roselière manque au décor..."

Qu’à cela ne tienne, allons les trouver !

La Dombes est belle. Elle montre ce qu’elle a de plus précieux. Elle donne le change dans un élan d’espoir matinal.

Elle sait surprendre, encore, par sa variété, sa munificence, sa générosité.

Partageons le rêve d’Alembert [2], et faisons en sorte, qu’au réveil, ce rêve continue :

Le prodige, c’est la vie, c’est la sensibilité ; et ce prodige n’en est plus un...Lorsque j’ai vu la matière inerte passer à l’état sensible, rien ne doit plus m’étonner. Quelle comparaison d’un petit nombre d’éléments mis en fermentation dans le creux de ma main, et de ce réservoir immense d’éléments divers épars dans les entrailles de la terre, à sa surface, au sein des mers, dans le vague des airs !




  1. Le « bec » est l’appellation locale du brochet, le « panot » celle de la jeune carpe []
  2. DIDEROT, le rêve d’Alembert, 1769 []
20déc/10Off

Relictes voisines : l’Outarde canepetière et le Râle de genêts

Directive Oiseaux

Il émane d’un choix qui peut sembler insolite de rendre hommage aux oiseaux dombistes en concluant ce propos avec deux espèces qui ne le sont pas, et qui pourtant prendront ici valeur de symboles : l’Outarde canepetière Tetrax tetrax et le Râle des genêts Crex crex.

Tous deux subsistent, à la limite de l’extinction, après avoir été communs dans deux des régions qui encadrent le plateau. Tous deux, et dès lors plus rien n’est censé étonner, sont inféodés à l’Herbe : steppe graminacée pour la 1ère, prairie alluviale pour le second. Autre point commun, malgré leur éloignement morphologique, tous deux sont cousins : ils appartiennent au même ordre systématique que celui de la Grue cendrée, celui des Gruiformes. Un bel exemple de divergence évolutive.

L'Outarde canepetière

Râle des genêts

Dans la Plaine de l’Ain, la canepetière enchantait les soirées de juin de ses appels roulés et de ses vols nuptiaux, cinglants et sifflants, jusque vers la fin des années 80. Elle était le chef de file d’un singulier cortège faunistique, comprenant entre autres, le Busard cendré et l’Œdicnème criard Burhinus œdicnemus, le Bruant proyer, le Tarier pâtre et la Caille des blés. Toutes ces espèces lui ont survécu, à des degrés de présence divers.

L'Oedicnème criard : un limicole qui se reproduit très localement en Dombes

Le Tarier pâtre : un passereau coloré des landes buissonnantes : il régresse en Dombes

Le Râle de genêts survit comme il peut dans les longues prairies inondables qui bordent la Saône. Il a niché autrefois, là où s’étendait le Marais des Echets. Malgré la succession de mesures de conservation de son habitat (une fauche retardée de quelques prairies autorisant un cycle de reproduction complet) mises en œuvre depuis le milieu des années 90, on peut difficilement lui prédire un avenir radieux.

Mieux lotis parce que moins exigeants, les courlis cendrés semblent au contraire prospérer.

Tarier des prés, femelle

Avec le Râle des genêts, ils dominent tout une communauté où figurent en bonnes places le Tarier des prés et la Bergeronnette printanière ou encore le Bruant proyer.

Courlis cendré

Il faut avoir fait l’expérience d’une nuit passée dans la prairie à l’écoute de l’appel du Râle, prenant faute d’être mélodieux. D’abord noyé dans le concert de la prairie, il en émerge peu à peu, lorsque l’intensité de celui-ci décroît. Sans être le seul, il devient le seul que l’on entend : c’est l’instant où les dernières lueurs fauves de l’Occident modèlent le sommet des buissons de saules dressés tout au long des fossés qui drainent la prairie. Ce n’est que bien plus tard, lorsque les prémices d’un jour neuf couchent une herbe alourdie par la masse enveloppante d’une brume ondulante que le Râle se tait. Ou que le débordement sonore d’un monde grouillant à nouveau le submerge.

L'heure du Râle

Oubliés, les lueurs de Mâcon toute proche, le grondement du dernier TGV, le roulement ininterrompu de l’autoroute A40. Ignoré le tonnerre des avions de chasse snobant le couloir vert et –surtout- désert de la vallée. Ignorée également, l’averse orageuse traditionnelle en cette fin juin, sans laquelle le chant du Râle n’aurait plus la même saveur, la même odeur, le même son.

Le Râle de genêts et la canepetière ont aussi en commun (on pourrait ajouter à ce groupe le Blongios nain) ce type de chant, bref, répétitif à l’infini, infatigablement émis à intervalles réguliers, sans musicalité, mais incroyablement envoûtants. On ne saura jamais s’il est puissant ou faible. Il se laisse porter à des distances incroyables par la moindre brise. Une autre, de direction contraire, l’étouffe sur quelques mètres.

Où ils vivaient, les bouleversements furent trop rapides, anticipèrent de bien trop loin, l’intérêt que l’on allait un jour devoir leur porter.

Les options choisies, qui ont contribué à la transfiguration des grands écosystèmes de plaine, entre implantations industrielles et monocultures céréalières ne laissent aucun doute sur l’origine de la régression des peuplements animaux et végétaux.

Il en va autrement de l’évolution de la prairie, plus insidieuse. Lorsqu’elle domine encore l’écosystème, et c’est le cas dans la vallée alluviale de la Saône, c’est dans son cycle d’exploitation que les modifications sont sensibles : exploitée plus intensivement, ainsi qu’il l’a été écrit plus haut, les oiseaux n’ont plus le temps de s’y reproduire.

La Canepetière était localement condamnée, pratiquement disparue avant l’émergence récente de la Conscience Environnementale.

Du Râle de genêts, il ne reste au début des années 2000 que quelques dizaines d’oiseaux dans le Val de Saône : sa chance de pérennité sera peut-être dans les nouvelles dispositions, dites « mesures compensatoires » qui prévoient, pour chaque nouvelle emprise urbaine sur ses prairies, de reconstituer ailleurs, et pour une durée significative, des milieux favorables à l’espèce

Dans d’autres régions que la nôtre, ils constituent encore des enjeux qui doivent rester à l’esprit du décideur lorsqu’il aura charge de définir ses priorités : dans moins de 10 années, l’un de ces deux oiseaux prestigieux aura peut-être disparu….

Le Râle des genêts

L'Outarde canepetière

20déc/10Off

« Indésirables »

Le Grand Cormoran

Faux air de rapace ou allure cornélienne – référence faite à l’oiseau, pas au dramaturge, quoique… – cri discordant, sombre, apparemment (seulement) monochrome et terne, jusqu’à l’odeur, âcre. Le Mal en somme, ou bien le turbulent rejeton d’Odin et de Vouivre ?

En Dombes, avant tout et avant tous les autres le Grand cormoran Phalacrocorax carbo est l’oiseau de mauvais augure. Il a presque réussi, là ou d’autres ont échoué, à faire l’unanimité ou peu s’en faut contre lui : quelque chose comme le prix citron [1] des oiseaux. Un temps, il a même failli faire oublier le commensalisme quelque peu encombrant d’autres piscivores...

Une fois de plus, tout le monde ne peut avoir un regard identique, une même perception de l’oiseau, le poète, comme le naturaliste, comprendra le pêcheur. A distance de toute velléité provocatrice, sortons de son contexte cette phrase de Baudelaire :

Il est beaucoup plus commode de déclarer que tout est absolument laid (dans l’habit d’une époque), que de s’appliquer à en extraire la beauté mystérieuse qui y peut être contenue, si minime ou si légère qu’elle soit [2].

Et rapprochons-là, de ce regard porté par Victor Hugo, sans jumelles ni grief :

Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,

et coupent l’eau, qui roule en perles sur leur aile ? [3].

Toutes les régions piscicoles européennes sont confrontées à l’expansion du Cormoran.

Il surprend tout le monde à la fin des années 80, lorsque des vols s’abattent par centaines sur les étangs, presque sans signe avant-coureur. Les bagues qu’ils portent nous indiqueront que plus de 80% proviennent de Scandinavie (Suède, Danemark, Finlande), d’autres arrivant d’aussi près que de Suisse ou d’aussi loin que de Sibérie.

De moins de 15000 en 1983, l’effectif hivernal national est passé à 80 000 individus à la fin des années 1990.

Au cours des années suivantes, c’est moins la sous-espèce littorale qui se distingue, que la sous-espèce continentale. Les effectifs nicheurs de la 1ère sont stables, limités à quelques départements côtiers, et régressent même au cours de la période 2003/2006. La 2nde subit une poussée exponentielle : apparue en 1981 à Grand-Lieu en Loire Atlantique, elle a colonisé le tiers des départements français, en près de cinquante colonies et 4097 couples en 2006, d’après Marion.

Son déclassement de la liste des espèces intégralement protégées a permis aux préfectures de plusieurs départements concernés par son impact sur les peuplements halieutiques de mettre en œuvre des mesures de régulation : par tir , par effarouchement. Dans l'Ain un Arrêté Préfectoral de mai 2010 définit désormais les conditions et modalités d'intervention sur les colonies reproductrices (exclusivement par des agents de l'ONCFS) afin de freiner la dynamique démographique des populations locales récemment sédentarisées.

Cette décision émane d'une réflexion collective dont l'objectif est de se reconcentrer sur les enjeux patrimoniaux et biodiversitaires de la région, dans l'esprit de l'application des directives environnementales.

L'origine des oiseaux bagués observés en Dombes...

...témoigne de la dynamique démographique continue des populations du Nord de l'Europe

Ce même collectif est conscient des limites de cette mesure, au vu d'une autre dynamique, toujours vive, celle des populations de cormorans nord-européens, qui pourraient continuer d'alimenter encore régulièrement les populations hivernales et printanières en Dombes.

Population actuelle : Le Grand cormoran se reproduit avec succès depuis 2007. Trois colonies totalisent entre 50 et 60 nids au printemps 2009.

Le Cygne tuberculé

Antithèse du cormoran, "infiniment plus gracieux", aussi blanc que l’autre est noir, aussi végétarien que l’autre est piscivore, il bénéficie de longs siècles d’une respectueuse considération, d’une culture manichéenne du symbolique, d’associations positives remontant à la mythologie et exprimées dans des domaines artistiques et spirituels.

Le blanc EST le bien.

Mais, aussi bien la rareté devient rapidement, à tort ou à raison, synonyme de beauté, autant sa contemporaine et soudaine abondance nuit désormais à sa quasi-biblique symbolique de pureté.

Le Cygne tuberculé Cygnus olor poursuit son bonhomme de chemin, colonisant sans hâte ni heurt étang après étang, d’une palme puissante, et sans réelle inquiétude :

...Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ;

J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;

Je hais le mouvement qui déplace les lignes,

Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris [4] [5].

Le Cygne tuberculé est le plus lourd oiseau européen, un des plus lourds oiseaux volants. Lorsqu’une espèce aussi imposante se développe aussi vigoureusement, surtout après que d’autres l’eurent précédé, on commence de s’inquiéter.

Incidemment, on retiendra, à nouveau, le caractère toujours ressenti comme « soudain » d’une expansion...

La tentation de meubler les plans d’eau par sa présence, spectaculaire et permanente, son statut de protection, mais également la disponibilité de ressources alimentaires, souvent nouvelles et lui assurant un meilleur taux de survie hivernale, sont à l’origine de la fixation, puis de l’accroissement des populations reproductrices du Cygne tuberculé.

...Une considération collective positive, un attrait indéniable pour un oiseau "accessible" au plus grand public

Le Cygne est responsable de dégâts aux cultures dans plusieurs régions de France. Ces dégâts sont avérés et mesurables.

En Dombes, les rassemblements d’oiseaux non reproducteurs au printemps, comme les grands groupes hivernaux, concernent saisonnièrement et annuellement une douzaine d’étangs, mais leur caractère spectaculaire retient évidemment toutes les attentions, alimentent la conversation depuis l’environ de la balance romaine et jusque sur la place publique : territorial, « il empêche l’installation des canes (cf. plus haut) », herbivore exigeant, « il détruirait les herbiers où se fixe le frai ».

Des rassemblements importants en hiver ; quel rôle envers les autres oiseaux hivernants : compétition ?

...ou commensalisme ?

Au démarrage de la végétation aquatique, un vraisemblable impact local, pour le moins.

Sauf exception, dans cette même région, le cygne se nourrit exclusivement en milieu aquatique. A raison de 3 à 4 kilos de nourriture végétale fraîche quotidienne, on ne peut écarter une possibilité d’impact sur les herbiers aquatiques – et donc le frai -et une concurrence avec le reste de la biocénose.

Quelle que soit la part - inchiffrable - de la reproduction spontanée des poissons dans les étangs de pêche réglée, la comptabilité piscicole considère presque uniquement le différentiel entre ce qui est « mis » et ce qui est pêché. L’alevinage et la croissance des alevins sont essentiellement assurés en bassins de moins d’1 hectare.

Or les études les plus récentes démontrent que le cygne délaisse les petits étangs : en 2009 on compte en moyenne 3 couples pour 100 étangs de moins de 5 hectares. Ces étangs représentent plus de 50% (env. 800 étangs) du parc dombiste.

Le cygne, comme le cormoran, fait partie de ces espèces dont la dynamique démographique posant problème, font évoluer la réglementation. Sur quelle base se fonder pour limiter l’expansion d’une espèce protégée par les textes ? Quels impacts leur imputer et comment les chiffrer ? Plusieurs départements ont édicté des mesures – des arrêtés préfectoraux -d’effarouchement, de régulation des pontes, voire des oiseaux adultes.

La population nationale comptait 400 à 500 couples en 1992. A la fin des années 90, au regard de l’évolution de la seule population nichant en Dombes, cet effectif est nettement dépassé.

Quel comportement du cygne envers les autres oiseaux d'eau ? Territorial ? Antagoniste ?

Population actuelle :

Le 1er cas de nidification semble remonter à 1976 (Jean-Yves Fournier/ONCFS).

La population estivale totale avant éclosions est stable entre 2006 et 2009 : elle est estimée à un millier d’individus comprenant environ 200 couples et 500 à 600 immatures.

Cette population, augmentée de la production annuelle, serait assez fortement sédentaire du fait des disponibilités alimentaires hivernales sur place : reliquats des cultures d’assec sur les étangs). L’arrivée d’oiseaux exogènes (?) peut augmenter significativement le contingent hivernal, notamment en période de grands froids, pouvant le porter d’un effectif de 1200 ou 1300 individus (la population adulte, subadulte et les jeunes de l’année) à près de 2000 (hiver 2005/2006).

Toutefois, la population automnale s’est accrue annuellement de 17% de 1991 à 2009. (ONCFS)

Des nichées entièrement grises : une origine sauvage...

Des nichées entièrement blanches, de cygnes dits "polonais" : un signe de domestication ?

...et des nichées désormais métissées !


  1. Prix décerné par la presse à la personnalité qui lui a réservé son accueil le plus désagréable ! []
  2. BAUDELAIRE, Le peintre de la vie moderne, 1863, chap. IV []
  3. V. HUGO, Les Orientales, 1829, X []
  4. On appelle également le Cygne tuberculé "Cygne muet" []
  5. BAUDELAIRE, extrait de « Les Fleurs du Mal : la Beauté » 1857 []
20déc/10Off

L’oiseau et l’habitat rural

Chantant face à face sur les pignons opposés d’une même grange, un Rouge-queue noir et une Bergeronnette grise se doutent-ils qu’il fut un temps, tous deux se côtoyaient sur les bords des torrents, des rochers et des pâturages de montagne ? Progressivement, accompagnant l’homme et ses constructions, ils ont descendu les vallées, colonisé les plaines, adossant leur nid dans l’anfractuosité d’un pisé, sur une poutre, sous un toit. Leurs nouveaux lieux de vie, comme leur plumage couleur de roche, les relie encore.

Bergeronnette grise

La Bergeronnette grise devint la commensale des mouettes, poursuivant avec elles la charrue avec assiduité. Peut-être est-ce là, l’histoire de la « lavandière » des champs et des villes, des cours de ferme et des églises, des eaux vives et moins vives.

Le Rouge-queue noir ne s'éloigna pas des cheminées…

Rougequeue noir/femelle...

...mâle

Tous deux appartiennent à cette catégorie faunistique, qui, à défaut de placer en l’homme leur confiance, a appris comment en profiter. La Tourterelle turque, les hirondelles, ou encore les chouettes – Effraie, mais également la Chouette hulotte, et la Chevêche d’Athéna - ont fait de même.

... La Chouette hulotte

...La Chouette hulotte : le Chat-huant

Du peuple de la nuit : la Chevêche...

...L'Effraie des clochers...

A dire vrai, nous aussi, en tirons avantage. Leur présence anime les frontons et les toits de nos villages. Parfois, aux soirs de fin d’été, avant leur départ vers le sud, les bergeronnettes exposent bruyamment leurs querelles de dortoir, papillonnant par dizaines dans l’éclairage public. Ces présences, rassurantes ont, ici et là, quelque peu pris le pas sur celle d’un Moineau domestique, moins inévitable qu’autrefois.

Une question légitime : où sont passés les moineaux du temps jadis, dont les colonies bruyantes dans des HLM de foin suspendus animaient le quotidien des villages ?

Stigmate d’une évolution inéluctable, le délabrement d’un bâtiment de ferme, témoigne de l’abandon de l’exploitation. Il expose douloureusement son pisé à une léprosité galopante vite exploitée par les Etourneaux et autres Moineaux.

Etourneau sansonnet

Parfois une Huppe fasciée en mal de bocage et des multiples caches que recèlent ses troncs y trouve une cavité satisfaisante.

Huppe fasciée

Là, une autre ferme, plus chanceuse, a été récemment restaurée : elle a retrouvé tout son cachet en perdant sa fonction première. Le patrimoine est sauf. Mais, après le départ des bestiaux, les hirondelles rustiques et celles des fenêtres ne trouvent que peu de raisons de s’attarder. Si elles restent, elles encourent le risque de rebâtir, encore et encore, avec l’abnégation d’un Sisyphe, les nids dont elles trouvent, inexplicablement, les ébauches fracassées gisant sur le sol.

Hirondelle de fenêtre : construction du nid

La trop bruyante Effraie devient indésirable. Le Faucon crécerelle s’expatrie : finalement, le nid d’une Corneille lui conviendra. Rouge-queue noir, Bergeronnette grise et mésanges colorées s’y sentent encore chez eux.

Inévitable Mésange charbonnière dans une boîte à lettres !

Imperturbable dans son irrésistible conquête de l’Ouest, la Tourterelle turque se contentera sans complexe d’une poutrelle métallique au faîte d’une stabulation ou d’un hangar en tôles.

La conquête de la Tourterelle turque passe par sa capacité d'adaptation aux milieux les plus divers, notamment urbains.

20déc/10Off

Les Busards

Nos espèces de busards vivent une mauvaise passe. La Dombes leur refuse dorénavant ce qui convenait autrefois aux trois espèces.
Directive Oiseaux.

Le Busard des roseaux

Un rapace sombre, arpente le sommet de la roselière d’un vol concentré, bascule une 1ère fois, une seconde, puis disparaît dans un creux de végétation. Il vient de saisir un Campagnol amphibie, à moins qu’il ne s’agisse d’une jeune foulque. Il achève sa proie sur un reposoir de végétaux pourrissants et s’élève à nouveau, serres crispées autour de ce qui constituera le repas d’un de ses jeunes.

Le Busard des roseaux Circus aruginosus est, ou en tout cas fut le Busard de la Dombes.

Busard des roseaux/femelle

Busard des roseaux/femelle

Il bénéficie d’une phase d’expansion dès les années 70 jusqu’à la fin des années 80. On y verra une relation avec le début de la protection légale des rapaces. On avancera plus tard l’amélioration de ses conditions d’hivernage au Sahel mais sans réel référentiel.

Suit une diminution significative des effectifs notamment depuis la fin des années 1990, sans doute liée à la régression de la roselière. La diminution de ses proies potentielles (Rat musqué, canetons et jeunes foulques) est sans doute un autre paramètre essentiel de ce phénomène. Il consomme de jeunes ragondins, mais la dynamique de cette espèce ne semble pas avoir eu d’effet positif sur celle du Busard des roseaux.

Population actuelle : migrateur partiel, essentiellement visiteur d'été en Dombes ; 15 à 20 couples au tournant des années 80 et 90, jusqu’à 50 au milieu des années 90. Sans doute pas plus de 20 couples en 2010.

Le Busard Saint-Martin

Chorégraphe aérien, chasseur méticuleux, comme les autres busards, il incarne l’élégance dans la plaine. Avril : à quelques mètres au-dessus d’un blé vert émeraude, sa silhouette pâle tranche sur le fond anthracite d’un ciel chargé de grêle à l’instar d’un goéland plaqué sur une mer noire. A l’appel du mâle chargé de sa proie, la femelle s’élève de la coupe forestière où elle a caché son aire terrestre…Très haut, le ballet aérien trouve une rapide apothéose lors du passage de la proie, d’une paire de serres à l’autre.

Busard Saint-Martin/mâle au nid

Busard Saint-Martin/mâle en chasse

Busard Saint-Martin, mâle en volLe Busard Saint-Martin Circus cyaneus ne brille ni par une abondance ni par un dynamisme particuliers : sa population est sans doute du même ordre que celle du Busard des roseaux. Mais il semble avoir su déjouer la malédiction des récoltes qui broient sa couvée en nichant essentiellement – au sol, comme le Busard cendré – dans les jeunes coupes forestières rapidement envahies de ronces, de genêts ou de fougères et qui lui procurent la tranquillité requise.

Population actuelle : Tendance inconnue. Migrateur partiel. De l’ordre de 10 (à 20) couples sur la totalité du plateau dombiste ?

Le Busard cendré

Le Busard cendré Circus pygargus, comme le Bruant proyer est un oiseau des espaces ouverts, de la steppe, devenue « céréalière » à la suite de sa domestication….

Une grise silhouette de rapace, ailes en « V », va et vient, non loin du sol. Le vol est chaloupé, hésitant mais léger, ponctué de virages brusques et serrés, à toute fin de contrôle d’un détail qui lui aurait échappé. Sa recherche d’une outrecuidante forme de vie au fond des sillons ou entre les rangs des chaumes la captive tout entière. Sa prospection s’accélère. Puis un battement d’ailes surpris : une escadrille de vanneaux se lance, toutes sirènes chuintantes, à ses trousses. Comme si, lui, le chasseur, s’était retrouvé par le plus fortuit hasard, survolant cette terre prometteuse...

Busard cendré/mâle

Busard cendré/juvénile

Avant l’arrivée des trublions, il savourait les sensations, les réminiscences du territoire de chasse de ses origines ou des lointaines savanes sahéliennes où il hiverne. Sa terre, pourrait-elle encore se tenir ici, à l’écart des étangs, dans cette marge céréalière du sud-ouest du plateau ?

Un Busard cendré traverse l'espace aérien d'une colonie de Vanneaux huppé dans l'Est de la Dombess

Population actuelle : visiteur d'été. Un couple de Busards cendrés nichait encore dans l’ouest dombiste, à la fin des années 1990. Depuis, rien ?