Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

24oct/10Off

La roselière

La roselière constitue l’étape ultime de la colonisation des bordures de l’étang par la végétation non ligneuse. Les écologues nomment « hélophytes » les plantes qui composent ces formations.

On leur doit les aspects les plus sauvages des zones humides.

Les grands roseaux phragmites Phragmites australis - les "cannelles" - ou les massettes également appelés typhas Typha angustifolia & T. latifolia- aux inflorescences en forme de cigares brun vineux - peuvent recouvrir de larges et denses superficies. Scirpe lacustre Schoenoplectus lacustris et Grande glycérie Glyceria maxima forment également des roselières : le 1er semble résister difficilement à l’appétit du ragondin. La 2nde couvre rarement de grandes superficies du moins en Dombes.

Typhaie

Typhaie : ici, Typha à feuilles larges

Phragmitaie : formation et détail

Phragmitaie

Jonchaie

Une belle jonchaie

Tous croissent depuis le domaine non inondé en permanence, jusqu’à des fonds immergés sous une soixantaine de centimètres d’eau.

Vieille, dense et sèche, la roselière perd de son attrait pour la faune. Jeune ou rafraîchie par des clairières et les chenaux qui multiplient ses lisières au contact de l’eau libre, elle s’enrichit. Elle accueille alors, dans son enchevêtrement rendu moins impénétrable, les hôtes les plus discrets de l’étang : Héron pourpré, Blongios nain, Busard des roseaux, tous trois de la Directive Oiseaux, Rousserolle turdoïde – une sorte de grive aquatique - entre autres.

Rousserolle turdoïde

Rousserolle turdoïde : presque exclusivement en phragmitaie

Son emprise doit être régulièrement contrôlée. Le maintien des niveaux d’eau les plus élevés, mais aussi une sévère limitation volontaire, la contiendront en bordures étroites le long des berges de l’étang : cette étroitesse est peu favorable à la reproduction de l’avifaune et en la concentrant, favorisera la prédation. Durant les assecs, la répétition de labours profonds endommagera le système racinaire et affaiblira le dynamisme de la roselière, parfois au point de causer sa disparition. Dans chacun de ces cas de figure, le ragondin pourra avoir un impact décisif en faisant rapidement disparaitre une ceinture végétale extrêmement fragilisée. Et il est probable que la conjonction de ces facteurs soit à l’origine de la régression réelle et préoccupante de la roselière.

Les groupements à joncs Juncus sp et Baldingère Phalaris arundinacea, qu’en formations homogènes ou monospécifiques on nommera « jonchaie » et « phalaridaie », variantes basses de la roselière, sont également le siège d’une communauté animale particulière : les canards, comme le Fuligule milouin Aythya ferina, s’y reproduisent. Selon sa physionomie – hygromorphie, présence de ligneux, morcellement - elles accueillent des passereaux paludicoles tels que le Bruant des roseaux Emberiza schoeniclus, la Locustelle luscinioïde Locustella luscinioides, le Phragmite des joncs Acrocephalus Schoenobaenus, mais également des Rallidés : le commun Râle d’eau Rallus aquaticus , les occasionnelles Marouette ponctuée Porzana porzana et de Baillon Porzana pusilla, deux espèces de la Directive Oiseaux.

Râle d'eau

Râle d'eau et consorts : hôtes fantomatiques de la roselière et autres bonnes surprises

Le Héron pourpré Ardea purpurea

Le Héron pourpré est un visiteur d'été élégant et discret. Avril marque son arrivée et si l'on sait observer , on distinguera sa silhouette au travers du rideau de roseaux encore jaunes et secs : il  déjà choisi le lieu où il nichera. C'est en effet un héron dit"paludicole". Contrairement au Héron cendré, le plus souvent arboricole, le "pourpré" est inféodé à la roselière. Celle-ci rétrecissant d'année en année, il serait justifié de considérer le Héron pourpré comme menacé.

Figé au-dessus d'un lit de Potamot noueux où il guette la Grenouille,  veillant entre les feuilles de Sagittaire ou de Rubanier où glisse la tanche,  toujours l'oiseau parfois frémissant évoque un long serpent dressé, rayé et raidi dans l'affût de la proie.

Héon pourpré dans une roselière

Héron pourpré dans une phragmitaie

Un Héron pourpré a capturé un poisson

Héron pourpré

Plus tard, en juin et juillet, la roselière résonne de caquètements qu'il nous faut attribuer à la nichée de 3 à 4 jeunes affamés et impatients, que l'on doit imaginer dressés au nid, le bec ouvert, au moins autant pour réguler leur température que pour se signaler à l'attention d'un parent au retour de pêche.

En novembre, les pêches d'étangs. Le Héron pourpré échappe aux récriminations qui pointent d'autres espèces piscivores : quelque part, peut-être dans le delta du Sénégal, et plus loin encore, notre Héron pourpré hiverne, et nul bruit ne le touche plus.

Héron pourpré

Héron pourpré (Directive Oiseaux) entouré de Marsilée à quatre feuilles (Directive habitats)

Population actuelle :

Au milieu des années 1990, une recherche exhaustive des colonies dombistes par l'ONCFS  révèle une population estimée entre 400 et 450 couples.

En 2004, un échantillonnage réalisé sur une quarantaine de sites  sur 80 potentiellement favorables dénombre a minimum 320 couples. Toutefois la roselière ayant diminué de moitié entre 1997 et 2004 on peut logiquement s'attendre à ce que la population nicheuse de hérons pourprés  ait également régressé.

Directive Oiseaux

Le Ragondin

Depuis quelques années, la roselière décroît sensiblement.

Rapidement incriminé, l’impact d’une espèce exogène, le Ragondin Myocastor coypus, est bien réel et totalement démontré. Ce monumental rongeur – le poids des mâles peut avoisiner une douzaine de kilos - est originaire d’Amérique du Sud. Introduit en France où il était élevé pour sa peau, il s’est finalement échappé des élevages à leur fermeture.

Ragondin, gros plan

Le Ragondin (Myocastor coypus)

Il apparaît sur le plateau à la fin des années 80, alors qu’il est régulier depuis des années déjà sur la Saône, l’Ain et le Rhône, où il cohabite avec le Castor européen Castor fiber.

La population explose littéralement à partir de la seconde moitié des années 90 : il cause d’importants dégâts dans les chaussées et berges d’étangs. Principalement herbivore, son impact sur les roselières a été récemment démontré.

Sa capture exige une mobilisation importante de la part des piégeurs agréés, c’est à dire détenteurs d’une formation et d’autorisations légales. Cette lutte rappelle celle organisée dans les années 1960 contre le Rat musqué, un autre rongeur également originaire du Nouveau Monde et qui fut pratiquement éradiqué des étangs (en même temps d’ailleurs qu’un de ses prédateurs essentiels, le Putois Mustela putorius). Mais l’inertie qui a accompagné la dynamique démographique exponentielle du Ragondin ne peut que laisser dubitatif quant à l’éventualité d’une issue comparable à celle du rat musqué. Autant dire que l’on doit désormais s’attendre à considérer le Ragondin et son piégeage comme des composantes pérennes de la vie locale : leur impact respectif aura une incidence fondamentale sur le devenir de l’écosystème.

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