Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

1sept/11Off

A propos de la chasse

Chasse et propriété privée : des liens forts et anciens

La pisciculture ne peut faire oublier que la Dombes est également et sans conteste une « terre de chasse », d’aucuns appelant récemment au concept de « pays cynégétique ».

La réputation de la Dombes pour les chasseurs de gibier d’eau a longtemps été justifiée. Bien qu’étant peu documenté, le goût de la chasse pour les grands capitaines d’industrie de la région lyonnaise est en partie à l’origine du développement des grandes propriétés et des grands rendez-vous de chasse : elle se développerait donc au cours de la grande croissance industrielle de la seconde moitié du XIXe siècle. Les locations de chasse, répondant soit à un besoin, soit à une nécessité de valorisation du patrimoine, sont plus récentes, sans doute généralisées au cours des années soixante-dix.

Un hectare d’étang se négocie sur la base de 60 000 francs (environ 9 000 euros) au cours des années quatre-vingt-dix; 10 000 euros actuellement, et plus encore. L’hectare de terre agricole se vend trois fois moins cher, corroborant le propos du père Étienne Goutagny, moine trappiste à l’abbaye du Plantay et grande figure locale : « La valeur de la terre n’était due que par le produit qui en était tiré . » Végétal ou, donc, animal.

Si l’on se réfère au discours local ambiant, qui soutient que la pisciculture est sans avenir, la chasse serait alors la constante de chaque nouvelle création d’étang. Notons au passage qu’en 2010, on crée encore plus d’étangs qu’il n’en disparaît.

Le nombre de chasseurs en Dombes est relativement stable alors que la population cynégétique nationale diminue. La Dombes accueillerait annuellement environ 2 000 à 2 500 porteurs de permis de chasse, selon une statistique rendue possible en partie par les validations de permis prises dans le département de l’Ain, lorsque le timbre « gibier d’eau » était en vigueur, ce jusqu’au début des années 2000. Cette estimation englobe environ 300 chasseurs validant leur permis dans un autre département et bénéficiant d’un permis « 3 jours », chasseurs invités le plus souvent. Selon leur profil, les chasseurs sont concernés à des degrés divers par la gestion, la conservation et le revenu de l’étang en tant que patrimoine.

Cette chasse est essentiellement organisée autour de la propriété privée : ainsi on ne trouve que peu de chasses communales en Dombes, contrairement aux pays d’Ain voisins (Bresse, plaine de l’Ain, Val de Saône). Les coûts de location sont généralement élevés (environ 100 à 150 euros l’hectare d’eau). Les modalités de chasse sont variables. Toutefois, certaines « grandes » propriétés n’éprouvent pas la nécessité pécuniaire de déléguer leur droit de chasse, d’en tirer un revenu. Elles se réservent ce droit de chasse. En fonction de son intérêt, cynégétique, naturaliste, patrimonial ou comptable, le possesseur du droit de chasse, en propriété ou par délégation, préservera, du moins autant qu’il lui est possible, une qualité des milieux « naturels », à la fois par souci d’esthétisme – une manière aussi de ressentir son patrimoine, un « bel étang », proche de celle des environnementalistes – et parce que l’étang est le siège de production d’une part du futur tableau de chasse : le lieu de reproduction spontanée de nombreux oiseaux d’eau, des canards notamment. Une autre part importante du tableau de chasse de la Dombes étant fournie par les courants migratoires entre Europe du Nord et Méditerranée/Sahel.

Le propriétaire conserve le plus souvent ses droits sur la gestion de la part en eau de la propriété, maîtrise qu’il possède de moins en moins sur les terrains environnant l’étang.

Ces propriétés entretiennent leur patrimoine, recherchant a priori moins le profit qu’une forme de balance budgétaire, qui peut même encore être intuitive : le patrimoine est un lieu de loisir plus qu’un outil de production piscicole. Cette forme de gestion (dont on ne sait si elle prévaut en Dombes, mais dont le rôle est sans doute prépondérant dans le maintien de la biodiversité) peut s’opposer, à certains égards, à une forme de pratique piscicole plus dynamique, plus économiquement viable, sinon rentable.

Il est probable que lorsqu’un désaccord entre exploitant piscicole et bénéficiaire du droit de chasse touche l’entretien de l’étang, des milieux végétaux notamment, il s’agit essentiellement d’un défaut de communication et de sensibilisation à des objectifs communs : la végétation aquatique, correctement gérée, pour partie conservée, sera tout aussi favorable à la production piscicole et à la protection des poissons qu’à l’ensemble de la biodiversité.

Il est plus difficile de s’entendre lorsqu’il s’agit d’écarter les oiseaux piscivores sans effaroucher la faune chassable, car les objectifs respectifs s’opposent alors : la période automno-hivernale est tout autant la période des pêches que celle de la chasse. Il était donc compréhensible que la problématique des oiseaux piscivores devienne un enjeu important, commun, et non matière à opposition.

Alors que la richesse naturelle recule, la chasse dombiste tire plutôt partie dans les processus environnementaux actuels de son rôle indéniable d’une part dans la conservation des milieux aquatiques, d’autre part en tant que revenu supplémentaire de l’étang. Un revenu dont il est actuellement encore malaisé de démontrer l’importance réelle ou relative dans la gestion globale de l’étang.

Notons que l’éventuelle incidence de la chasse en termes de prélèvements, et son impact sur les populations chassables, plus particulièrement à l’ouverture, ne sont de ce fait sans doute que rarement remis en question dans la recherche du consensus local. La conservation de populations viables d’anatidés passe sans aucun doute par un prélèvement responsable et mesuré de la chasse. Et sans doute celle-ci, écoutée, actrice au plus proche du terrain, doit-elle s’investir encore plus auprès de ses partenaires habituels à des fins de sensibilisation de conservation des milieux naturels.

Depuis quelques années, le gibier d’eau se faisant plus rare, les pratiques cynégétiques s’adaptent en se tournant vers une faune plus dynamique (sanglier). À nouveau, seules sont possibles les conjectures quant aux conséquences écologiques et économiques de ce changement de pratiques (diminution des surfaces en eau, baisse des prix des locations de chasse…).

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