Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

Genèse

Oiseau-passion

La passion de l’oiseau, on tombe dedans quand on est petit comme d’autres tombent dans la marmite de timbres ou les boîtes de camembert, le chaudron du sport ou de la musique.

Fin des années 60. Loin du berceau familial tangérois, un petit village de Beauce, d’où, depuis, ont disparu les dernières Petites Outardes. Un ruisseau qui serpente vraiment très paresseusement au fond d’un sillon qu’on aurait pu tracer de la pointe du pied, appelé pompeusement « la Vallée » : la vallée de la Voise.

La Voise, langoureuse rivière beauceronne

Un ruisseau langoureux qui accroche au passage une ribambelle de villages telle une guirlande ; villages où les châteaux d’eau et les silos rivalisent avec les clochers d’ardoise alentour, tous s’étirant pour se porter à hauteur de leur aînée, la toujours très proche cathédrale de Chartres.

La Vallée n’est pas seule à créer des liens entre les bourgs et les hameaux : une voie ferrée que j’ai toujours connue désaffectée se matérialise ça et là par des passages à niveau silencieux, et, émerge à la surface des blés et des colzas, sombre ligne d’aubépines et de prunelliers.

C’est ici, tout au long de ces deux lignes de rupture du morne paysage qui concentrent vie et mouvement qu’un gamin découvre perdrix (ici on ne connaît que le perdreau et la « roquette ») [1] et faisans, canepetières et cochevis, cailles et bruants.

Les années s’égrènent : j’apprends qu’une section de la voie ferrée a été rachetée par la « Fondation pour la Protection des Habitats »...

Puis la Dombes

Et puis il y eut la Dombes.

Un paysage aussi souvent décrit qu’il compte d’étangs : pas de vrai relief mais pas non plus d’horizons intouchables. De subtiles ondulations capturant en leurs creux des eaux prodigues de confidences pour qui sait les leur demander.

La découverte de près de 140 espèces d’oiseaux nicheurs et d’autant d’oiseaux de passage.

Approcher cette région au travers de l’Oiseau était un rêve devenu réalité pour un gamin qui n’avait pas d’autre ambition que de faire d’une passion un métier.

L’Oiseau dont la présence garantira au dombiste le maintien de son cadre de vie.

L’Oiseau et l’Etang autour desquels ne peuvent pas s’élever de barrières.

L’Oiseau et l’Etang qui ont déjà trop attendu pour susciter la réflexion et fédérer autour d’une même table ceux dont les aïeuls ont modelé le paysage et qui, aujourd’hui savent que leur pays est, à la croisée des chemins, en devenir, de plus en plus une question d’équilibre.

Et la Mauritanie

La Mauritanie est la découverte de la maturité, l’opportunité professionnelle.

Et le deuxième coup de cœur.

Durable. Pérenne.

L’apprentissage d’une autre patience.

A nouveau, l’Homme, et l’Oiseau, indissociables.

Le delta du Sénégal, les dunes oranges du Trarza, les roches du Tagant, la minéralité d'Arguin, les tamourts et gaâts des Hodhs.

La dernière frontière.

Tamourt de Tali, Hodh El Garbi, Mauritanie

Une autre idée du partage

La passion est comme neuve, mieux ou pire, elle déborde : ce trop plein, il faut le partager, il faut le montrer. Pour cela, un outil, la photographie qui deviendra une seconde passion (nature) mais jamais un métier.

Partager cette sensation d’être seul à parler aux oiseaux, ces clins d’œil furtifs, parfois sévères, parfois espiègles, inquiets ou rageurs, curieux ou affolés, lancés à bout portant au travers des mailles d’un filet de camouflage par quelques grammes de plumes - ou de poils ébouriffés : on peut ne pas les déranger, on les trompe rarement...

Partager ces heures d’immobilité dans l’eau, dans l’arbre, dans la terre.

Ecureuil roux

Ces fourmillements précurseurs de raideurs qui empêcheront le doigt de presser le déclencheur au moment exact et plus tard, interdiront à tout le corps de se relever.

Les interminables discussions avec un chewing-gum coupe-faim.

Le froid, la chaleur. Les crampes.

Le bombardement impitoyable des nuées de moustiques.

Partager ces moments de rage contre soi-même lorsqu’un mouvement trop brusque réduit à néant de longues heures d’attente, d’impuissance.

Lorsque le film venait à manquer au temps de l’argentique (on apprend vite à pallier ce genre de négligence : le coût d’un film n’était rien en comparaison du temps passé), ou lorsque, aujourd’hui, la carte mémoire de l’appareil numérique est saturée.

Lorsque l’un ou l’autre doit être remplacé - toujours - au mauvais moment.

Lorsque l’objet de nos désirs se retrouve plus proche encore que la distance de mise au point minimale ne le permet.

Lorsque que le matériel de prise de vue tombe à l’eau :  là c’est au moins la saison qui est fichue…

Partager cette excitation de voyeur enfin récompensé par le cadeau, le don de la « bête » à l’homme, LA pose, parfaite, inespérée, l’attitude, le comportement unique.

« Eux » ne savent pas décevoir.

Le photographe, lui, est faillible…

Il n’y a pas si longtemps, on doutait en attendant le retour des épreuves du labo : la mise au point ? La profondeur de champ ? La vitesse ? L’exposition ? Le cadrage ?

Charme désuet ? Époque révolue.

Partager ce sentiment de fierté, presque de victoire lorsque la photo est réussie.

D’humilité, de frustration devant le cliché loupé, erreur d’autant plus impardonnable que la bestiole n’y est pour rien.

Alors quelques images peut-être.

Communiquer par l’image

La « toile »est aujourd’hui un média où la communication s’exerce tant par l’image que par les mots.

Force est de reconnaître à l’image son rôle d’accroche, malheureusement plus racoleuse qu’illustrative, mais qui permettra à quelques textes d’être parcourus.

L’image, même médiocre a cela qu’elle véhicule une info immédiatement accessible, rapide, facilitée par la technologie numérique.

Par ailleurs, lorsqu'on ne peut joindre le cercle restreint de ceux qui savent (ou pensent savoir) écrire, l’image s’impose pour partager l’instant.

Retour donc aux méthodes ancestrales, celles d’artistes rupestres, qui communiquaient par le dessin bien avant qu’émerge progressivement leur version stylisée puis codée à l’extrême, l’écriture.

D’artistes rupestres, ou de simples témoins plus ou moins talentueux de la première heure dont ils désiraient laisser une trace à la postérité…

Peintures rupestres, Aïoun El Atrouss, Hodh El Gharbi, Mauritanie

La roche recèle dans ses mémoires les plus profondes un dialogue où s’échangeaient les informations sur la position d’un troupeau d’antilopes ou de rennes, et le moyen de l’approcher ou de le contourner

Des doigts ont créé les premières bandes dessinées à l’intention de la tribu de chasseurs.

La fresque murale, elle, est notre héritage.

Un univers qui nous paraîtrait aujourd’hui schématique, mais qui, défini par l’essentiel, suscitait la recherche de l’expression de la précision, sans doute de la beauté, de la vie, de la peur et de la mort, de la chasse, de la faune, qui rythmaient le quotidien.

C’est ainsi que l’image est comprise et utilisée dans ce site.

Afin de montrer ce que l’on côtoie sans le voir, chaque jour.

Montrer ce que nous risquons de perdre.

Montrer ce que nous devons protéger.

Montrer une modeste fraction du seul véritable legs que notre génération laissera à ses enfants.

Montrer quelques uns des enjeux d’ici  ...et d’ailleurs.

Flamants nains. Mauritanie

Une affaire de patience

D’abord que tombent quelques idées reçues : le matériel le meilleur ne fait pas - seul ! - la meilleure photo. Bien qu'il puisse aider !

On peut envier le déploiement impressionnant de matériel par les photographes sportifs massés derrière les cages d’un terrain de foot lors d’une rencontre internationale, ou « shootant » une volée, la mimique autrement inénarrable d’une vedette du tennis depuis les tribunes de Roland Garros : des « cailloux » ou « gamelles » haut de gamme.

Un matériel que l’on hésiterait, à emmener au bain, d’autant plus, lorsque l’on sait ce que signifie « mouiller » ses outils...

Le photographe animalier mérite le meilleur des matériels, ne serait-ce que pour le temps passé pour une seule prise de vue. La faune aussi mérite ce matériel, qui lui laissera plus de liberté.

Un ami me disait, il y a 30 ans : « on mesure la prétention d’un photographe à la longueur de son téléobjectif ! » Sans doute rien n'a changé si ce n'est l'apparition du pixel.

Le néophyte commence pratiquement toujours par utiliser de « longues focales » croyant aisément mettre en boîte, et si possible, de loin, de très loin même, l’animal le plus inaccessible.  Un stade de confiance par lequel l'auteur est passé.

Quoi qu’il en soit, après quelques rapides déceptions, on se rend compte que l’objectif le plus puissant, seul, n’autorise que ...l’optimisme. Au fur et à mesure de l’obtention des résultats, nombreux sont ceux qui abandonnent. Les autres cherchent le meilleur moyen d’approcher au plus près le non-mystifiable objet de leur attention, inventent des techniques d’approche, de dissimulation, de déclenchement à distance, utilisent des lumières d’appoint. Qu’il s’agisse d’un cerf ou d’une mésange, la photo semble ne devoir être bonne que si on peut les toucher du doigt. Ou peu s’en faut.

La vraie leçon est que la connaissance de la faune prévaudra toujours sur celle de la technique photographique.

Aujourd’hui encore j’utilise un matériel de prise de vue modeste, basique, à la mesure d’ambitions mesurées, un matériel à la portée de tout amateur tenté de ...se jeter à l’eau.

Pas de grande ouverture, pas d’autofocus qui vaille ; pas de convertisseur de focale.

Pourtant, il me satisfait. La plupart des photos d’oiseaux sont prises à une distance inférieure à cinq mètres, moins de trois pour les Passereaux. Sachant que le gain d'un petit mètre fera la différence.

Aux photographes qui se sont donné les moyens de leur passion, équipés de matériel performant, je laisse une place méritée : leurs résultats sont à hauteur de ce que leur talent permet dorénavant d’espérer. Et ayez de l’indulgence pour l’auteur de ce site.

  1. roquette : longtemps dans les grandes plaines françaises, les chasseurs ont relayé l'existence d'une perdrix grise, aux pattes jaunes, légère, rapide, et peut-être migratrice. []