Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

20déc/10Off

Relictes voisines : l’Outarde canepetière et le Râle de genêts

Directive Oiseaux

Il émane d’un choix qui peut sembler insolite de rendre hommage aux oiseaux dombistes en concluant ce propos avec deux espèces qui ne le sont pas, et qui pourtant prendront ici valeur de symboles : l’Outarde canepetière Tetrax tetrax et le Râle des genêts Crex crex.

Tous deux subsistent, à la limite de l’extinction, après avoir été communs dans deux des régions qui encadrent le plateau. Tous deux, et dès lors plus rien n’est censé étonner, sont inféodés à l’Herbe : steppe graminacée pour la 1ère, prairie alluviale pour le second. Autre point commun, malgré leur éloignement morphologique, tous deux sont cousins : ils appartiennent au même ordre systématique que celui de la Grue cendrée, celui des Gruiformes. Un bel exemple de divergence évolutive.

L'Outarde canepetière

Râle des genêts

Dans la Plaine de l’Ain, la canepetière enchantait les soirées de juin de ses appels roulés et de ses vols nuptiaux, cinglants et sifflants, jusque vers la fin des années 80. Elle était le chef de file d’un singulier cortège faunistique, comprenant entre autres, le Busard cendré et l’Œdicnème criard Burhinus œdicnemus, le Bruant proyer, le Tarier pâtre et la Caille des blés. Toutes ces espèces lui ont survécu, à des degrés de présence divers.

L'Oedicnème criard : un limicole qui se reproduit très localement en Dombes

Le Tarier pâtre : un passereau coloré des landes buissonnantes : il régresse en Dombes

Le Râle de genêts survit comme il peut dans les longues prairies inondables qui bordent la Saône. Il a niché autrefois, là où s’étendait le Marais des Echets. Malgré la succession de mesures de conservation de son habitat (une fauche retardée de quelques prairies autorisant un cycle de reproduction complet) mises en œuvre depuis le milieu des années 90, on peut difficilement lui prédire un avenir radieux.

Mieux lotis parce que moins exigeants, les courlis cendrés semblent au contraire prospérer.

Tarier des prés, femelle

Avec le Râle des genêts, ils dominent tout une communauté où figurent en bonnes places le Tarier des prés et la Bergeronnette printanière ou encore le Bruant proyer.

Courlis cendré

Il faut avoir fait l’expérience d’une nuit passée dans la prairie à l’écoute de l’appel du Râle, prenant faute d’être mélodieux. D’abord noyé dans le concert de la prairie, il en émerge peu à peu, lorsque l’intensité de celui-ci décroît. Sans être le seul, il devient le seul que l’on entend : c’est l’instant où les dernières lueurs fauves de l’Occident modèlent le sommet des buissons de saules dressés tout au long des fossés qui drainent la prairie. Ce n’est que bien plus tard, lorsque les prémices d’un jour neuf couchent une herbe alourdie par la masse enveloppante d’une brume ondulante que le Râle se tait. Ou que le débordement sonore d’un monde grouillant à nouveau le submerge.

L'heure du Râle

Oubliés, les lueurs de Mâcon toute proche, le grondement du dernier TGV, le roulement ininterrompu de l’autoroute A40. Ignoré le tonnerre des avions de chasse snobant le couloir vert et –surtout- désert de la vallée. Ignorée également, l’averse orageuse traditionnelle en cette fin juin, sans laquelle le chant du Râle n’aurait plus la même saveur, la même odeur, le même son.

Le Râle de genêts et la canepetière ont aussi en commun (on pourrait ajouter à ce groupe le Blongios nain) ce type de chant, bref, répétitif à l’infini, infatigablement émis à intervalles réguliers, sans musicalité, mais incroyablement envoûtants. On ne saura jamais s’il est puissant ou faible. Il se laisse porter à des distances incroyables par la moindre brise. Une autre, de direction contraire, l’étouffe sur quelques mètres.

Où ils vivaient, les bouleversements furent trop rapides, anticipèrent de bien trop loin, l’intérêt que l’on allait un jour devoir leur porter.

Les options choisies, qui ont contribué à la transfiguration des grands écosystèmes de plaine, entre implantations industrielles et monocultures céréalières ne laissent aucun doute sur l’origine de la régression des peuplements animaux et végétaux.

Il en va autrement de l’évolution de la prairie, plus insidieuse. Lorsqu’elle domine encore l’écosystème, et c’est le cas dans la vallée alluviale de la Saône, c’est dans son cycle d’exploitation que les modifications sont sensibles : exploitée plus intensivement, ainsi qu’il l’a été écrit plus haut, les oiseaux n’ont plus le temps de s’y reproduire.

La Canepetière était localement condamnée, pratiquement disparue avant l’émergence récente de la Conscience Environnementale.

Du Râle de genêts, il ne reste au début des années 2000 que quelques dizaines d’oiseaux dans le Val de Saône : sa chance de pérennité sera peut-être dans les nouvelles dispositions, dites « mesures compensatoires » qui prévoient, pour chaque nouvelle emprise urbaine sur ses prairies, de reconstituer ailleurs, et pour une durée significative, des milieux favorables à l’espèce

Dans d’autres régions que la nôtre, ils constituent encore des enjeux qui doivent rester à l’esprit du décideur lorsqu’il aura charge de définir ses priorités : dans moins de 10 années, l’un de ces deux oiseaux prestigieux aura peut-être disparu….

Le Râle des genêts

L'Outarde canepetière

24oct/10Off

Le petit peuple de l’herbe

Tout un cortège d’espèces est en passe de disparaître d’une région à laquelle on attribua longtemps une spécificité herbagère et parfois bocagère.

La Bergeronnette printanière

Il faut une oreille exercée, pour percevoir l’appel, bref, bi-syllabique, provenant d’un ondoiement d’orge ou de blé en herbe. On ne saurait imaginer qu’un tel son suffise à délimiter le territoire d’un de nos plus attachants passereaux : la Bergeronnette printanière Motacilla flava.

Bergeronnette printanière/mâle

Bergeronnette printanière/femelle

Le son, et l’oiseau, sont comme happés par la verdure frissonnante, soumise aux indécisions éoliennes, et tiraillée entre le vert tendre et le bleu turquoise. C’est seulement à la fin d’une quête opiniâtre que l’œil accède à ce qui devient progressivement une évidence. Le soleil renvoie un éclat d’or de l’insignifiante dimension d’un écu. Après que vous vous êtes donné une vraie peine pour la dénicher, comme à plaisir, la « tache » se matérialise. L’élan d’une brise la dépose sur le câble téléphonique ou électrique à l’aplomb de la route. De là, son chant, n’en devient pas pour autant beaucoup plus audible.

La Bergeronnette printanière porte sur son dos les couleurs de son nom.

Elle devait vous tourner le dos pour que vous ne l’eussiez point remarqué immédiatement.

En principe, comme tous les passereaux de la prairie - son fief originel - elle se poste sur une plante haute d’où elle surplombe l’océan d’herbe. De là elle communique, à l’instar d’un sémaphore, poitrail jaune au vent qui porte l’appel ténu. La prairie présente encore parfois cette variété végétale, où un rumex, un chardon, une euphorbe, parmi d’autres, feront office d’observatoire. Par définition, uniformes dans leur monospécificité, le blé ou l’orge, dans toute leur rafraîchissante jeunesse herbacée, ne supportent pas qu’on les dépasse de la tête. N’y trouvant plus son compte d’herbes variées, la Bergeronnette printanière s’est adaptée un temps à la nouvelle Dombes. Une jachère ? Elle s’en satisfaisait. Mais, en son subtil habit qui lui confère selon son humeur, une distinction discrète ou un éclatant appel vers le soleil et la vie, elle est bien en train de nous abandonner.

Les longues prairies qui bordent la Saône constituent un des réservoirs de l’espèce. Mais sa situation, ainsi que celle du cortège auquel elle appartient n’y est pas stabilisée.

Population : à la limite de l’extinction en Dombes : quelques couples à quelques dizaines de couples. Le déclin se précise à la fin des années 1990. Une belle population se maintient dans les prairies du Val de Saône

Le Bruant proyer : disparu

Le Bruant proyer Miliaria calandra est totalement inféodé à la prairie, sèche ou modérément humide. Il subsiste là où la grande plaine céréalière a l’heur de lui laisser quelques haies rabougries, ou lorsque encore, câbles électriques et grillages des bords d’autoroutes, perchoirs étirés à l’infini, il peut la dominer du corps et de la voix. Son chant fait frissonner l’ornithologue et le mélomane : le premier est sous le charme des ambiances et des vastes horizons qu’il évoque, le second perçoit un son à des années lumières des vocalises d’un rossignol : grinçant, comme l’évocation d’une mécanique grippée. Un ramage qui en tout point se rapporte à son plumage. Et pourtant, pour le Naturaliste encore, quelle sensation lorsque ce gros moineau, vaguement alouette, s’élance en un vol nuptial approximatif, balourd et rigide, les ailes vibrant au tempo de ses grincements vocaux, les pattes, presque trop fines, pendant jusqu’à le rattraper de justesse sur un rumex ou un chardon.

Population actuelle : les dernières citations régulières du Bruant proyer en tant que nicheur en Dombes datent du milieu des années 1990 ; quelques chants annuels, aucune preuve de reproduction récente. Ses effectifs régressent sérieusement dans la Plaine de l’Ain. Une belle population en Val de Saône.

L’Alouette des champs

Alouette des champs

Alouette des champs

Par excellence l’Alouette des champs Alauda arvensis est l’hôte de l’espace. Elle qui ne se perche que rarement a besoin de s’élever plus haut que tout autre pour lancer son chant soutenu à la limite de la perte de son souffle. A l’instar des de la Bergeronnette printanière et du Bruant proyer, elle se satisferait d’un blé en herbe, dans les rangs duquel dissimuler son nid. Les prés sont trop densément pâturés et le piétinement des bêtes ne laissera pas de répit au couple. Son chant s’éteint, discrètement porté par la brise.

Population : en net recul au cours des années 1995/2010. Au plus quelques couples en Dombes centrale.

La Pie-grièche écorcheur

Rapace parmi les passereaux, terreur des mille et une pattes, depuis l’araignée Thomise, caméléon à l’affut de l’abeille qui viendra butiner l’églantine, jusqu’au minuscule Rat des moissons dont l’œil s’allume à l’entrée de son nid d’herbe perché.

Pie-grièche écorcheur/mâle

Mi-faucon guettant sa proie depuis une clôture, le sommet d’une haie, ou un câble électrique qui longe la route secondaire, mi-gros moineau auquel elle emprunte parfois la voix, elle qui, en vraie Diane préfère le silence.

Pie-grièche écorcheur/femelle

Elégante et sereine, telle est ce petit seigneur dont le fief estival est européen, qui associe indéfectiblement la haie épineuse et les prés. La prairie est son terrain de chasse, la haie, l’endroit, où elle installe son nid.

Un Campagnol a fait les frais de la chasse de ce mâle Pie-grièche

Ponctuant son territoire, sa signature annonce son régime alimentaire et règne par la peur sur ses sujets : un garde-manger aux allures de gibet. L’Epine noire et l’Aubépine, à moins que ce ne soit le croc d’un fil barbelé, se font planche à larder, exposant brochettes de Cétoine, de Sauterelle verte, ou encore bras de Campagnol agreste.

En Dombes, la Pie-grièche écorcheur Lanius collurio est la plus régulière, sans être abondante, de sa famille.

On y croise bien occasionnellement quelque Pie-grièche à tête rousse Lanius senator, migratrice en escale, mais cela est bien rare.

La Pie-grièche grise Lanius excubitor aussi tente parfois de nicher, mais c’est en hiver qu’on croise le plus souvent son chemin : postée sur un câble téléphonique ou électrique, auquel elle est fidèle au mètre près d’une année à l’autre, sa silhouette remplace celle de la Pie-grièche écorcheur.

Pie-grièche à tête rousse

Proche de l’extinction dans notre pays, la chance d’observer la quasi-mythique Pie-grièche à poitrine rose Lanius minor s’amenuise d’année en année.

La Pie-grièche écorcheur est, des oiseaux prairiaux, celui qui devrait s’en sortir le mieux : au moins son nid ne disparaît pas sous la barre de coupe.

Las, la haie n’a pas encore la totale faveur d’un monde agricole, en mutation certes, mais où, perdurent –nécessité ou besoin – des pratiques sans doute désormais révolues. La haie – doit on encore parler de bocage – recule encore, pressée par une optimisation des temps et coûts de production, héritages du Grand Remembrement des années soixante, confrontée à une mécanique puissante vouée à de vastes parcellaires uniformisées.

Populations :

Pie-grièche écorcheur : jusqu’à une centaine de couples sur la soixantaine de communes de la Dombes centrale. De presque commune dans les années soixante et soixante-dix, elle n’est devenue que régulière, ou localisée, absente de communes dépourvues bocage et de surface en herbe. Néanmoins une population sans doute sous-estimée du fait de la discrétion de l’espèce. Très forte population en Val de Saône, certaines communes comptant plus de 100 couples.

directive oiseaux

Pie-grièche à tête rousse :

essentiellement migratrice. Pas de nidification récente

Pie-grièche grise :

Quelques hivernants annuellement.