Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

20déc/10Off

La végétation du centre de l’étang : les hydrophytes

Flottante, elle offre sans nul doute la palette aux accents les plus impressionnistes de tout le monde végétal aquatique. Ses formations se succèdent au fil des mois sur l’étang, le même ou bien un autre : à l’immaculé tapis de la Renoncule peltée Ranunculus peltatus, succède celui, rose gourmand de la Renouée amphibie Polygonum amphibium ou encore celui de la Villarsie Nymphoides peltata, aux feuilles d’un vert émeraude ciré et aux fleurs jaune vif. Plus rares ici sont le Nymphéa Nymphaea alba et le vrai Nénuphar Nuphar lutea. Les fleurs du premier, éclatées et blanches, semblent avoir été comme déposées sur les feuilles et l’eau. Celles du second, hésitent à s’épanouir, pudiques sphères jaunes à l’extrémité de leur pédoncule allongé.

Un étang ntièrement recouvert par la Renoncule peltée et détail de la fleur

Renoncule peltée (Ranunculus peltatus)

Villarsie faux-nénuphar

Villarsie faux-nénuphar

Tapis de Renouée amphibie sur un étang et photo de détail de l'inflorescence

La Renouée amphibie (Polygonum amphibium)

Vers la fin de l’été, des étangs entiers brunissent, comme atteints par la rouille, massivement, par la crainte, si peu souhaitée mais opiniâtrement récurrente...Châtaigne d’eau Trapa natans.

Sous la surface, la vie végétale est tout aussi riche, ou du moins devrait l’être. L’identification des végétaux y est souvent difficile : c’est essentiellement le domaine des potamots Potamogeton sp, de la Myriophylle en épis, des Characées. Leur développement n’est pas que subaquatique, et des espèces comme le Potamot noueux Potamogeton nodosus et le Potamot nageant Potamogeton natans étalent ostensiblement feuilles et inflorescences à la surface. La Myriophylle ne laissera apparaître que de minces épis rosissants, alors que la Cornifle (ou Cératophylle) Ceratophyllum demersum et les rugueuses Naïades Naias sp demeureront densément et subaquatiques.

Potamot nageant

Potamot nageant (Potamogeton natans)

Potamot luisant

Potamot luisant (Potamogeton lucens)

Myriophylle en épis : feuilles et détails de l'inflorescence

Myriophylle en épis (Myriophyllum spicatum)

Un mâle Nette rousse s'alimentant dans un herbier aquatique de surface

Les herbiers aquatiques : une importante ressource alimentaire pour les oiseaux, ici un mâle Nette rousse

La Châtaigne d’eau

Plus que tout autre macrophyte (plante aquatique) la Châtaigne d’eau, qui est une plante indigène est considérée comme une plaie, car son épais feuillage freine la pénétration de la lumière et gêne le développement des poissons. Aussi, est-elle à l’origine d’une autre pratique : le faucardage, un exercice mécanique consistant à limiter son emprise. Pour cela, on utilise une embarcation légère à moteur et fond plat, munie généralement de deux barres de coupe, une verticale, une horizontale. Cette méthode, est contraignante, fastidieuse même sur de grandes étendues. Son effet n’est pas probant sur le long terme, mais elle est actuellement, de loin préférable, à une lutte chimique, moins sélective et dont l’incidence sur la communauté végétale est plus douteuse[BM1] .

Etang entièrement couvert par la Châtaigne d'eau, de couleur poupre enfin d'été

Le tapis caractéristique pourpre de la Châtaigne d'eau (Trapa natans) en fin d'été

Cette régulation mécanique a l’avantage de pouvoir être ajustée aux zones colonisées par la Guifette moustac. C’est afin de protéger la reproduction de cet oiseau qu’il a souvent été proposé depuis 1994 aux gestionnaires d’étangs une indemnité permettant de compenser le manque à gagner occasionné par la conservation partielle du tapis végétal.

Faucardage en cours de Châtaigne d'eau

Le faucardage de la Châtaigne d'eau

La gestion des milieux végétaux qui accueillent les colonies de guifettes est prise automatiquement en compte par exemple par les mesures Natura 2000, ou dans certaines mesures dites aqua-environnementales. Ailleurs, et cela implique l’essentiel des colonies, aucune mesure de conservation n’entre en vigueur.

Guifette Moustac et Grèbe à cou noir

La Guifette moustac et le Grèbe à cou noir : deux hôtes typiques de la végétation du centre de l'étang


[BM1]voir un commentaire précédent : chaulage, etc….

24oct/10Off

Voyage au centre de l’étang

La Guifette moustac

Les Guifettes moustacs Chlidonias hybridus constituent en quelque sorte, la partie visible du peuple de la pleine eau, des nénuphars et autre châtaigne d’eau.

La Guifette, c’est l’élément gracieux associé à l’été des étangs, car elle hiverne en grande partie au sud du Sahara. C’est une sterne des eaux douces et stagnantes. Une espèce emblématique : elle figure sur la liste des oiseaux les plus sensibles d’Europe. L’association d’un herbier aquatique et d’une colonie est sans conteste une plus-value environnementale et biologique pour un étang.

Elle se reproduit principalement sur le lac de Grand-Lieu (Loire Atlantique), en Brenne, en Dombes ; elle fréquente également en effectifs moindres le Forez, la Sologne, la Brière.

Longtemps Dombes et Brenne se sont partagé 80% de l’effectif national. La situation a changé. D’abord au bénéfice de la Brenne, puis de Grand-Lieu.

En Dombes, la Guifette moustac régresse régulièrement : de plus de 30 colonies en moyenne au début des années 1990, elle n’en compte qu’une dizaine en 2009. Les effectifs sont fluctuants, de 500 à 800 couples. Mais les colonies tendent à se concentrer sur un nombre de plus en plus réduit d’étangs. Ce constat suggère une évolution écologique globalement défavorable des milieux aquatiques, à commencer par l’appauvrissement des formations végétales favorables. Une carence des milieux en ressources alimentaires, d’origine terrestre (insectes) comme aquatique (alevinage), pourrait être impliquée dans les tendances évolutives récentes. Le déterminisme du choix du site de reproduction répondrait non au seul critère végétal mais au moins à deux impliquant non pas un mais un ensemble d’étangs, voire au-delà, le bassin versant : la présence de formations végétales et la ressource alimentaire.

Certains aspects des tendances évolutives de la Guifette en Dombes semblent pouvoir être corrélés assez aisément à une évolution locale des habitats et des pratiques. Cela ne suffit pas à expliquer le transfert de population constaté depuis quelques années vers des zones humides de l’Ouest du pays (Grand-Lieu, en Loire Atlantique) : des hypothèses fondées d’une part sur des tendances évolutives climatiques lourdes et des situations conjoncturelles (effets « année », conditions météorologiques exceptionnelles, eutrophisation de Grand-Lieu) seront donc avancées.

Plusieurs programmes environnementaux se sont succédé entre 1994 et 2010 intégrant la protection des colonies de Guifettes moustacs lors du faucardage de la végétation flottante, pratique non systématique essentiellement destinée à limiter l’emprise de la châtaigne d’eau.

Ils ne sont plus suffisants aujourd’hui pour inverser la tendance évolutive de la population de guifettes.

Directive Oiseaux

Population actuelle : le nombre de colonies ne cesse de diminuer :  7 en 2010 (10 en 2009 !). Effectifs fluctuants. Toutefois plafonnement de la population nicheuse à environ 500 couples sur la période 2006/2010, exception faite de 2007 avec 865 couples.

Souvent associés, parfois en compétition ...

...pour un simple amas de végétation où bâtir un nid : Grèbe à cou noir et Guifette moustac

Retrouvez ces deux oiseaux dans l'album "la guerre des plateformes"

Le Grèbe à cou noir

Au début de la saison, en avril, le Grèbe à cou noir Podiceps nigricollis s’assure la protection des colonies de mouettes, dans les joncs et les scirpes. Plus tard en été, il profite du développement des végétaux flottants pour intercaler son nid entre ceux des guifettes. Ce lutin au comportement spectaculaire est une des figures les plus attachantes de l’avifaune locale, un des oiseaux aussi, qui résume le mieux l’équilibre de l’étang dombiste.

La population de cette espèce est extrêmement fluctuante : certaines « colonies » ont rassemblé jusqu’à plus de 300 couples. Le phénomène est plus rare de nos jours, et le plus souvent, l’étang accueille au mieux plusieurs dizaines de couples (exemple : 40 couples en 2009 sur le Grand Birieux).

Population actuelle : fluctuante, de 200 à 500 couples. Les suivis actuels ne permettent pas de déterminer la tendance évolutive de la population. Pourrait être en recul, du fait de la diminution des herbiers aquatiques et des potentialités alimentaires.

Voir l'album "Grèbe à cou noir : coït non-interruptus"

Iconoclaste Martin-pêcheur

Le Martin-pêcheur Alcedo atthis n’est que reflet fugace, flèche électrique idéalement parallèle à la surface de l’eau.

L’étang est son garde-manger. Les ébies [1]et autres empellements [2] qui concentrent le fretin à l’aval immédiat de la bonde sont un de ses terrains de pêche privilégiés.

On le dit oiseau de l’eau courante, mais c’est oublier que c’est un pêcheur, un prédateur. Il laisse au bouillon de la rivière le Goujon et la Loche. Il plonge sans a priori, à l’attaque des alevins de Gardon, de Poisson-chat, et d’un nouveau, malvenu, mais particulièrement brillant et frétillant, que les dombistes connaissent sous le nom de « Pseudo-rasbora ».

Le gel de l’étang le chasse, et, perdurant, le décime.

L’argile compactée ne lui sied que modérément, où nicher : aussi, lorsqu’il a choisi de rester, bien obligé de forer son terrier dans la paroi des fossés profonds, dos à l’étang, exceptionnellement, entre les racines d’un chablis.

Sa présence est sous-estimée. Sans doute plus abondant dans l’Est de la Dombes – boisée, au relief plus marqué -qu’en son centre, il est presque omniprésent pourtant, juché sur une branche, ou se signalant au passage de son cri aigu, nerveux et métallique.

Population actuelle :

En 2008/2009 il est observé sur ¼ des étangs dombistes entre avril et juillet. Entre le 15 avril et le 15 mai, période concernant essentiellement des oiseaux cantonnés, il est observé sur plus de 7% des étangs (6% sur la période 1991/2000).

La dispersion des jeunes permet de le rencontrer sur 15% des étangs entre le 15 juin et le 15 juillet.

En janvier (hivernage) il est noté sur 7% des étangs (1991/2000). Benmergui/ONCFS non publié, étude réalisée sur 146 étangs.

Directive Oiseaux


  1. Exutoires de l’étang = trop-plein []
  2. « L’empellement » et la « pelle » sont des ouvrages de régulation et de canalisation de l’eau dans les fossés []