Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

24oct/10Off

Les méridionaux

Les zoologistes attribuent traditionnellement à l’avifaune dombiste une appartenance bio-géographique « médio-européenne ». Les influences septentrionales l’emporteraient sur les méridionales. Une argumentation météorologique appuie cette thèse, ainsi que des pistes, convergentes jusqu’au plus infime maillon de la chaîne biologique : nos insectes aussi seraient plus continentaux que méditerranéens [1].

Mais l’effet de serre et le réchauffement consécutif de l’atmosphère engendrent des modifications sensibles : climatiques d’abord, écologiques ensuite.

Dans la rue, où disserter du temps contribue au maintien du tissu social, cela a semblé évident, bien en amont que les statistiques ne décident. La 1ère génération du 21ème siècle n’est pas la première à entendre dire qu’« Il n’y a plus de saison ». Les naturalistes s’interrogeaient, sans trouver d’autre explication totalement satisfaisante à l’affluence parfois soudaine d’une avifaune aux accents franchement méridionaux.

Les conséquences des évolutions climatiques sont de ces subtilités difficilement perceptibles à court terme. En comparaison, la prédation et l’évolution des paysages, par exemple, sont des paramètres plus rapidement identifiables.

Des sécheresses devenues endémiques dans le sud de l’Europe, en Espagne notamment, des hivers plus doux chez nous, ont favorisé en Dombes, mais pas seulement, l’implantation, d’espèces qui seraient autrement restées occasionnelles. La présence en France du Crabier chevelu Ardeola ralloides, une espèce afro-tropicale, a longtemps été limitée à la Camargue. Il est considéré dorénavant comme appartenant au catalogue des visiteurs d’été réguliers en Dombes.

Crabier chevelu

Le Héron gardeboeufs : d'un continent à l'autre, du Zébu Peul...

...au Charolais

Le Héron garde-bœufs Bubulcus ibis, que les zoologistes attribuent à la catégorie faunistique « indo-africaine », s’est ressenti des velléités de conquête globale. Lui qui n’est pas un migrateur total, se laisse encore surprendre par quelque hiver plus rigoureux que le précédent, et qui taille à vif dans ses rangs. Mais il semble désormais capable de pouvoir compenser ses pertes : les populations espagnoles, saturées, réapprovisionneraient les nôtres…

C’est encore la rigueur de l’hiver qui n’a pas encore autorisé l’installation estivale durable de la Bouscarle de Cetti Cettia cetti et de la Cisticole des Joncs Cisticola juncidis. Ces sortes de fauvettes sont plus ou moins sédentaires dans les régions sous influence atlantique ou méditerranéenne.

On les a entendues de plus en plus régulièrement au cours des toutes dernières années sans toutefois tenir les promesses d’une réelle expansion. La Bouscarle est d’ailleurs régulière tout autour du plateau dombiste, à l’Est, dans les « brotteaux » qui bordent la rivière d’Ain, et à l’Ouest, le long des fossés qui voisinent la Saône.

Là même où le tropical Guêpier d’Europe Merops apiaster, lui, continue son expansion, remontant fleuves et rivières depuis la Méditerranée…mais en prenant soin d’éviter la Dombes. Il y a pourtant fait une incursion remarquée à la fin des années 80. Il passe, en fin d’été, mais ne s’y reproduit qu'occasionnellement :  au moins une petite colonie est connue en marge occidentale du plateau.

Le déficit pluviométrique et la résorption rapide en cours de printemps de zones humides dans le sud de l’Europe, se traduisent par un exode estival d’espèces dont une part n’a pas toujours eu le temps de se reproduire : plus au Nord, des régions plus arrosées accueillent ces oiseaux  dès  le mois de juin.  Ce phénomène  pourrait expliquer la variabilité des effectifs estivaux de l’Echasse blanche et de la Guifette moustac, qui peuvent doubler en quelques semaines.


  1. In « Le guide du Naturaliste en Dombes », Lebreton et al., Delachaux et Niestlé, 1991. []