Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

24oct/10Off

Du rififi dans les saules : hérons et Spatule

Les bourrelets argentés des saules sont agités des allées et venues incessantes de petits hérons, blancs, ou gris. Le brouhaha qui émane des lieux évoque un jour de marché à Louhans, ou encore les trois Glorieuses – la célèbre fête régionale à la gloire du Poulet de Bresse.

Cela caquette, cela déblatère, cela croasse.

Plusieurs espèces de hérons, et récemment la Spatule blanche ont installé leur colonie en une tour de Babel où se côtoient petits et grands hérons gris et blancs.

Ailleurs ce sera sur un ilot, dans une aulnaie humide et reculée, dans un bois de chênes.

Culminant aux plus hautes branches de celui-ci, se trouvent essentiellement les lourdes structures de branchages qui caractérisent les colonies de Héron cendré Ardea cinerea. Mais sur l’étang ou au bois, minces plateformes et imposantes aires de branchage se touchent parfois et les crises de palier sont monnaie courante.

Depuis les bas branchages qui surplombent la surface de l’eau, un Bihoreau gris, pêcheur de la nuit, traque le fretin au travers de son propre reflet, comme monopolisé par une attention narcissique.

Le Héron cendré

Lorsque le grand Cormoran déferle sur la Dombes et le reste du pays en 1990, il remplace immédiatement le Héron cendré Ardea cinerea dans les préoccupations du monde piscicole qui le considérait jusque là comme son seul réel concurrent.

Depuis toujours le Héron cendré était le 1er et même le seul de son groupe spécifique à se regrouper sur les étangs dès que la vanne était ouverte.

Sa population s’accroit après sa protection en 1975.

Moins que la population nicheuse, ce sont les hérons qui trouvent les étangs sur le chemin de leur dispersion postnuptiale et automnale, dont une partie provient d’Europe centrale, qui commencent à inquiéter.

Le Héron cendre niche en colonies le plus classiquement en milieu forestier. Il niche moins souvent sur les étangs : les nids sont alors construits sur des amas de branchages provenant d’un retroussement d’étang, ou sur les saules d’un ilot, régulièrement en compagnie d’autres espèces de petits hérons.

Depuis vingt ans, bien que le nombre de ses colonies augmente progressivement, le nombre de couples nichant en Dombes est stable : l’effectif moyen des colonies diminue donc. L’exploitation des parcelles forestières où se reproduit l’essentiel des hérons est sans doute le principal facteur pondérateur de leurs effectifs. La délocalisation de couples après une exploitation partielle ou complète du site de nidification explique en grande partie l’augmentation du nombre des colonies.

Population actuelle :


L’effectif nicheur doit être considéré comme globalement stable à légèrement fluctuant depuis 1994. Les effectifs reproducteurs sont estimés à 1121 couples répartis en 20 colonies en 2010, après avoir atteint un maximum de 1186 couples en 8 colonies en 1996. Il n’a pas retrouvé les effectifs maximums enregistrés en 1996 sur un nombre de colonies inférieur de moitié (n=8), soit 1186 couples, effectif approché en 2002 avec 1173 couples.

A titre indicatif, la population française est estimée entre 28000 et 32000 couples en 2002.

La population automnale s’accroît de 5,9% par an sur la période 1991/2009.

Les "petits" hérons

La Dombes revêt un intérêt national pour ces espèces dont 3 sont concernées par la Directive Oiseaux : le Bihoreau gris, l’Aigrette garzette, le Crabier chevelu.

Le plus abondant de tous, le Héron garde-bœufs Bubulcus ibis n’est pas inscrit au titre de cette directive.

Héron gardeboeufs

Plus récemment les ont rejoints deux espèces perçues différemment par les dombistes : chronologiquement la Grande Aigrette et la Spatule blanche.

Populations actuelles :

Les quatre espèces de petits hérons totalisent 700 à 900 couples en 2008, environ 700 couples en 2009 répartis sur 9 colonies connues :

- Héron garde-bœufs : 335 couples minimum

Héron gardeboeufs

Héron gardeboeufs (bec jaune orangé) et Aigrette garzette (bec noir, pattes jaunes)

- Bihoreau gris : 239 couples minimum

Bihoreau gris/adulte

Bihoreau gris : un juvénile dont le plumage est peut-être à l'origine d'une confusion fréquente en fin d'été, avec le rare Butor étoilé ; localement le Bihoreau est souvent appelé "butor".

- Aigrette garzette : 105 couples minimum

Aigrette garzette : son plumage aura failli signer sa perte

- Crabier chevelu : deux à trois couples durant la majeure partie des années 90, 8 à 10 couples dans une colonie en 1999. L’effectif est fluctuant sans être jamais abondant. Plus d’une centaine d’adultes – méditerranéens ou locaux ? - ont pu être observés simultanément en juin et juillet (2006, CORA, ONCFS).

Ce Crabier vient de capturer un (autre) prédateur de têtards : une larve de Dytique.

Crabier chevelu

Crabier chevelu

La Grande Aigrette

Celle qui faillit disparaître pour que les belles du début du siècle puissent arborer ses magnifiques plumes scapulaires sur de larges et ombreux couvre-chefs prend depuis une décennie une revanche qui serait éclatante si son expansion, de type invasif ou peu s’en faut si l’on en juge par l’accroissement des effectifs automnaux n’ajoutait pas au ressentiment ambiant envers les oiseaux piscivores.

...Une augmentation de la population hivernale qui ne laisse pas d'inquiéter les exploitants d'étangs

La Grande Aigrette Egretta alba hiverne régulièrement en France depuis la fin des années 70, mais il a fallu attendre le milieu des années 90 pour que sa nidification soit confirmée presque simultanément sur le Lac de Grand-Lieu et en Camargue puis en Dombes.

Dans chacun de ces sites, l’effectif est, à la fin des années 90, compris entre 1 et 3 couples.

La Grande Aigrette est rarement citée en Dombes avant 1990. A l’automne 1997, 170 grandes aigrettes étaient dénombrées sur un seul dortoir et fin 1999 le même dortoir dépassait 300 oiseaux. Un groupe de 326 individus était observé sur un étang en vidange début décembre de la même année.

Suspectée dès 1995, la première reproduction de l’espèce n’est confirmée qu’au printemps 98 lorsqu’un nid est trouvé dans une grande roselière à phragmites de la Dombes devenue chronologiquement le troisième site de nidification en France.

Un adulte nourrit un jeune au nid

L’origine de sa récente colonisation vers l’ouest de l’Europe et notre pays est mal définie elle peut être rapprochée d’une bonne productivité des populations les plus occidentales, ou encore du report d’oiseaux dont les sites de nidification auraient défavorablement évolué, comme par exemple dans le delta du Danube.

Les grandes populations dont sont originaires les oiseaux qui fréquentent la Dombes se distribuent selon toute vraisemblance depuis l’Autriche et la Hongrie jusqu’en Russie et en Azerbaïdjan.

Population actuelle :

La population estivale stagne à un niveau d’effectifs modestement compris entre 1 et 3 couples annuellement (1 en 2010).

Il n’en est pas de même pour la population hivernante qui culmine courant novembre avec un flux de migrateurs compris entre 1000 et plus de 2000 individus : leur taux d’accroissement annuel est de 44% sur la période 1991/2009. L’effectif indiciaire simultané de novembre 2009 recueilli sur un échantillon de 105 étangs situés en Dombes centrale totalise 833 individus (1000 ind. en 2008).

Directive Oiseaux


La Spatule blanche

Dernière venue des grands échassiers en Dombes la Spatule blanche Platalea leucorodia s’invite dans un contexte écologique qui bien que reconnu défavorable pour la biodiversité dans son ensemble, semble se trouver sur la voie d’une expansion inespérée…Inespérée pour une espèce longtemps en danger – pour laquelle d’ailleurs un plan International de Conservation est actuellement en cours de lancement - et dont la population d’Europe Occidentale, s’accroit depuis une quinzaine d’années.

Première rencontre

Échassier mais non héron. Quoique proche de ces derniers, elle l’est plus encore des ibis avec lesquels elle partage une famille systématique imprononçable et proprement incompatible avec son élégance...mais non avec son originalité : les « Threskiornithidés »

Jusque là visiteuse occasionnelle, après une 1ère tentative de nidification en 1998 qui semble ne pas vouloir se concrétiser au cours des années suivantes, elle apparaît en 2005 au sein d’une colonie de petits hérons.

2005 : une première tentative...

En 2006, 5 à 6 couples se reproduisent pour la 1ère fois avec succès sur les saules qui bordent un petit étang. Il s’agit d’un domaine privé comme toujours ou presque en Dombes. Trois vidanges et pêches estivales consécutives, contrairement à la pratique générale locale, ne semblent pas perturber la reproduction de cette espèce, contrairement d’ailleurs à d’autres strictement paludicoles présentes sur le site : les roselières exondées sont plusieurs fois abandonnées par hérons pourprés et blongios.

En 2006 naissaient pour la première fois des spatules en Dombes

L’origine des spatules nichant en Dombes n’est pas clairement définie, mais les données de bagues observées sur des oiseaux qui y stationnent démontrent le véritable carrefour des populations que constitue cette région : Pays-Bas (1988, 1996, & 2009 CORA), Camargue en 2008, Loire Atlantique en 2004 (CORA, ONCFS) !

Population actuelle :

6 ou 7 couples se reproduisent en 2010 (contre 9 ou 10 couples en 2009).  Les effectifs psts-nuptiaux atteignent 44 oiseaux, adultes et juvéniles, migrateurs compris fin août début septembre 2010.

Directive Oiseaux

Nostalgie : l’Ibis falcinelle…

A l’écart des étangs, il faut se forcer à imaginer les canaux du Marais des Echets, à moins d’un demi-siècle de nous, véhiculant mollement ses eaux dans un dédale de roseaux. Un temps révolu où le Courlis cendré Numenius arquata côtoyait le Râle des genêts Crex crex, et le Fuligule Nyroca l’Ibis Falcinelle Plegadis falcinellus et le Butor étoilé : la faune du marais était tout aussi originale que celle du centre Dombes qu’elle complétait magnifiquement.

...Parmi les mouettes

La Dombes est un des rares sites français où l’Ibis falcinelle a consenti à se reproduire. Cela remonte au tout début des années soixante. On détecte sa présence au marais des Echets, au sud du plateau, une large cuvette non connectée aux étangs. L’endroit donnait alors le change au point d’évoquer – du point de vue de l’oiseau - les vastes marécages du delta du Danube où le falcinelle se complaît encore !

Au tournant des années 90 et 2000, le rythme des visites de l’Ibis falcinelle s’est accentué. Partout en France. Isolé ou par petits groupes, ce qui pouvait suggérer une reproduction locale, mais plus probablement encore des retours des quartiers d’hivernage d’Afrique Occidentale, (mars/avril), un erratisme postnuptial des ibis caucasiens ? L’expansion récente de la Grande Aigrette à partir du même berceau centre-européen pouvait constituer le signe avant-coureur de la recolonisation de notre région.

Ce ne fut pas l’Ibis falcinelle : la Spatule blanche, soudain, était là. Mais les récentes évolutions de l'Ibis falcinelle en Camargue  (plus de 400 couples en 2010 !) pourraient bien  se poursuivre par une prochaine réinstallation en Dombes...

La rencontre avec cet oiseau sombre et satiné, à la silhouette déroutante, subjugue et transporte immédiatement vers d’autres horizons, lointains, chargés d’exotisme : le falcinelle est peut-être en route vers le sud du Sahara… Là, il hivernera, rejoint par des centaines d’autres, sur quelque mare résignée à ne pas résister au soleil plus de quelques semaines.

Son sosie américain s’est parfois échappé du parc des oiseaux de Villars les Dombes voisin: l’Ibis de Ridgway. Identification réservée aux spécialistes !

Directive Oiseaux

24oct/10Off

Voyage au centre de l’étang

La Guifette moustac

Les Guifettes moustacs Chlidonias hybridus constituent en quelque sorte, la partie visible du peuple de la pleine eau, des nénuphars et autre châtaigne d’eau.

La Guifette, c’est l’élément gracieux associé à l’été des étangs, car elle hiverne en grande partie au sud du Sahara. C’est une sterne des eaux douces et stagnantes. Une espèce emblématique : elle figure sur la liste des oiseaux les plus sensibles d’Europe. L’association d’un herbier aquatique et d’une colonie est sans conteste une plus-value environnementale et biologique pour un étang.

Elle se reproduit principalement sur le lac de Grand-Lieu (Loire Atlantique), en Brenne, en Dombes ; elle fréquente également en effectifs moindres le Forez, la Sologne, la Brière.

Longtemps Dombes et Brenne se sont partagé 80% de l’effectif national. La situation a changé. D’abord au bénéfice de la Brenne, puis de Grand-Lieu.

En Dombes, la Guifette moustac régresse régulièrement : de plus de 30 colonies en moyenne au début des années 1990, elle n’en compte qu’une dizaine en 2009. Les effectifs sont fluctuants, de 500 à 800 couples. Mais les colonies tendent à se concentrer sur un nombre de plus en plus réduit d’étangs. Ce constat suggère une évolution écologique globalement défavorable des milieux aquatiques, à commencer par l’appauvrissement des formations végétales favorables. Une carence des milieux en ressources alimentaires, d’origine terrestre (insectes) comme aquatique (alevinage), pourrait être impliquée dans les tendances évolutives récentes. Le déterminisme du choix du site de reproduction répondrait non au seul critère végétal mais au moins à deux impliquant non pas un mais un ensemble d’étangs, voire au-delà, le bassin versant : la présence de formations végétales et la ressource alimentaire.

Certains aspects des tendances évolutives de la Guifette en Dombes semblent pouvoir être corrélés assez aisément à une évolution locale des habitats et des pratiques. Cela ne suffit pas à expliquer le transfert de population constaté depuis quelques années vers des zones humides de l’Ouest du pays (Grand-Lieu, en Loire Atlantique) : des hypothèses fondées d’une part sur des tendances évolutives climatiques lourdes et des situations conjoncturelles (effets « année », conditions météorologiques exceptionnelles, eutrophisation de Grand-Lieu) seront donc avancées.

Plusieurs programmes environnementaux se sont succédé entre 1994 et 2010 intégrant la protection des colonies de Guifettes moustacs lors du faucardage de la végétation flottante, pratique non systématique essentiellement destinée à limiter l’emprise de la châtaigne d’eau.

Ils ne sont plus suffisants aujourd’hui pour inverser la tendance évolutive de la population de guifettes.

Directive Oiseaux

Population actuelle : le nombre de colonies ne cesse de diminuer :  7 en 2010 (10 en 2009 !). Effectifs fluctuants. Toutefois plafonnement de la population nicheuse à environ 500 couples sur la période 2006/2010, exception faite de 2007 avec 865 couples.

Souvent associés, parfois en compétition ...

...pour un simple amas de végétation où bâtir un nid : Grèbe à cou noir et Guifette moustac

Retrouvez ces deux oiseaux dans l'album "la guerre des plateformes"

Le Grèbe à cou noir

Au début de la saison, en avril, le Grèbe à cou noir Podiceps nigricollis s’assure la protection des colonies de mouettes, dans les joncs et les scirpes. Plus tard en été, il profite du développement des végétaux flottants pour intercaler son nid entre ceux des guifettes. Ce lutin au comportement spectaculaire est une des figures les plus attachantes de l’avifaune locale, un des oiseaux aussi, qui résume le mieux l’équilibre de l’étang dombiste.

La population de cette espèce est extrêmement fluctuante : certaines « colonies » ont rassemblé jusqu’à plus de 300 couples. Le phénomène est plus rare de nos jours, et le plus souvent, l’étang accueille au mieux plusieurs dizaines de couples (exemple : 40 couples en 2009 sur le Grand Birieux).

Population actuelle : fluctuante, de 200 à 500 couples. Les suivis actuels ne permettent pas de déterminer la tendance évolutive de la population. Pourrait être en recul, du fait de la diminution des herbiers aquatiques et des potentialités alimentaires.

Voir l'album "Grèbe à cou noir : coït non-interruptus"

Iconoclaste Martin-pêcheur

Le Martin-pêcheur Alcedo atthis n’est que reflet fugace, flèche électrique idéalement parallèle à la surface de l’eau.

L’étang est son garde-manger. Les ébies [1]et autres empellements [2] qui concentrent le fretin à l’aval immédiat de la bonde sont un de ses terrains de pêche privilégiés.

On le dit oiseau de l’eau courante, mais c’est oublier que c’est un pêcheur, un prédateur. Il laisse au bouillon de la rivière le Goujon et la Loche. Il plonge sans a priori, à l’attaque des alevins de Gardon, de Poisson-chat, et d’un nouveau, malvenu, mais particulièrement brillant et frétillant, que les dombistes connaissent sous le nom de « Pseudo-rasbora ».

Le gel de l’étang le chasse, et, perdurant, le décime.

L’argile compactée ne lui sied que modérément, où nicher : aussi, lorsqu’il a choisi de rester, bien obligé de forer son terrier dans la paroi des fossés profonds, dos à l’étang, exceptionnellement, entre les racines d’un chablis.

Sa présence est sous-estimée. Sans doute plus abondant dans l’Est de la Dombes – boisée, au relief plus marqué -qu’en son centre, il est presque omniprésent pourtant, juché sur une branche, ou se signalant au passage de son cri aigu, nerveux et métallique.

Population actuelle :

En 2008/2009 il est observé sur ¼ des étangs dombistes entre avril et juillet. Entre le 15 avril et le 15 mai, période concernant essentiellement des oiseaux cantonnés, il est observé sur plus de 7% des étangs (6% sur la période 1991/2000).

La dispersion des jeunes permet de le rencontrer sur 15% des étangs entre le 15 juin et le 15 juillet.

En janvier (hivernage) il est noté sur 7% des étangs (1991/2000). Benmergui/ONCFS non publié, étude réalisée sur 146 étangs.

Directive Oiseaux


  1. Exutoires de l’étang = trop-plein []
  2. « L’empellement » et la « pelle » sont des ouvrages de régulation et de canalisation de l’eau dans les fossés []
24oct/10Off

Mouettes et goélands

Le Goéland leucophée

Le Goéland leucophée Larus michahellis est le pendant méditerranéen à pattes jaunes de l’indéfectible Goéland argenté Larus argentatus à pattes roses de vos vacances à Brest, Quiberon ou Saint-Malo. Loin des rivages mais jamais de l’eau, une population est partie à la conquête de l’intérieur, le long des cours du Rhône et du Rhin.

Goéland leucophée :...des pattes jaunes

Il est parvenu jusqu’en Dombes, où il s’accommode moins facilement de la vie coloniale des littoraux. Un îlot, un couple, telle est ici sa stratégie territoriale.

Le Goéland argenté (...des pattes roses) : occasionnel en Dombes

De ce fait, il a pu élire domicile sur les ilots de quelques étangs, presque toujours d’une superficie supérieure à une dizaine d’hectares : les petits étangs sont rarement pourvus d’ilots, et le cas échéant, la sécurité n’y est évidemment pas optimale…

Il est un prédateur opportuniste mais redoutable des jeunes grèbes, foulques, guifettes, et canetons. Ce qui explique que sa population n’ait localement jamais vraiment décollé : si certains gestionnaires voient en lui un remède efficace limitant la production des grèbes huppés, d’autres considèrent plutôt sa présence comme un problème à résoudre…

Population actuelle : une vingtaine de couples à la fin des années 1990, n’excède pas 13 couples en 2005, et est inférieure à 10 couples en 2009.  5 couples au plus en 2010.


La colonie de mouettes : matrice de l’étang

Autrefois si souvent commensale du paysan...

La Mouette rieuse Larus ridibundus, très ancienne commensale du pêcheur, suit les embarcations en compagnie des goélands, en mer et sur les lacs, se satisfaisant des déchets de la pêche. Elle a accompagné la charrue, successivement entrainée par les bœufs, puis par le tracteur, et qui découvre les lombrics [1] comme les campagnols.

Plusieurs études ont démontré l’attractivité qu’exerce une colonie sur d’autres espèces. Elle protège l’ensemble de la communauté, aussi turbulente soit-elle, de l’intrusion des prédateurs. La colonie appelle à une plus grande diversité des espèces, coloniales également dans le cas du Grèbe à cou noir Podiceps nigricollis et de la Guifette moustac Chlidonias hybridus, ou simplement sociables comme celui des fuligules [2].

I

Les naturalistes constatent la raréfaction des grandes colonies, dont les effectifs étaient supérieurs à un millier de couples. A l’inverse, ils constatent un éclatement de la population en de petites colonies moins productives. De ce fait, les dombistes sont persuadés, à tort, de l’augmentation des mouettes. La confusion pourrait être augmentée par les rassemblements hivernaux sur les vidanges hivernales qui précèdent les pêches, et bien que cette population hivernante ne semble pas augmenter. La Mouette traîne le lourd chalut d’une réputation de piscivore, ce qu’elle est en partie, et notamment à cette période de l’année. D’un impact mineur sur la production de poisson, elle hérite essentiellement du ressentiment d’une profession excédée envers des espèces nettement plus déprédatrices.

Ces confusions entre populations nicheuses et hivernantes sont classiques.

Le baguage des oiseaux : une aide à la compréhension de leurs mouvements

Comme c’est le cas pour le Héron cendré, les mouettes hivernant dans notre région ne sont que très partiellement celles qui s’y reproduisent. Elles proviennent principalement du Nord de l’Europe, d’une vaste zone délimitée au Sud par la Suisse, au Nord par la Finlande, à l’Ouest par le Benelux et le Danemark, et à l’Est par la Pologne et les pays baltes. L’effectif en hivernage est méconnu. Un dortoir, régulier et spectaculaire, sur la réserve ornithologique de Villars les Dombes, pourrait accueillir 15 000 à plus de 18000 oiseaux. La plupart s’alimentaient sur un vaste dépotoir voisin récemment fermé. Leur recours reste le dépotoir péri-urbain de Bourg-en-Bresse à une trentaine de kilomètres du centre Dombes.

Les ornithologues[3] ont relié le départ d’un fort contingent dès la mi-juin avec une diminution d’une source alimentaire primordiale : le Lombric. A cette époque, cet invertébré est moins actif sous la surface des sols, et les terres cultivées sont devenues le « béton » que l’on connaît. Si la régression de la population locale reproductrice de mouettes se confirmait, il faudrait donc en conclure, moins à une évolution des orientations piscicoles qu’à celle concernant l’assolement en périphérie d’étang.

Chaque année, vers la mi-mars, la colonie se reconstitue.

Un couple de paysans avait vécu toute sa vie adossé à une des plus grandes colonies de la région. A leurs dires, elle compta sans doute autrefois plus de 2000 couples. On s’y octroyait même le droit, sous la responsabilité du propriétaire, de procéder à la récolte des œufs : en moyenne 3 par nid, que l’on multiplie sans peine par deux, trois cents ! Les mouettes ne semblaient pas en avoir pâti outre-mesure. Il s’agissait là d’une pratique, exceptionnelle, mais compensable grâce aux fortes potentialités de l’espèce et du milieu. On adoptait localement, une tradition ancrée dans les régions du nord de l’Europe : le ramassage des premières pontes, lesquelles étaient aussitôt remplacées.

Et puis, au cours des années 1990, un matin, le calme s’impose, seulement relatif, mais aux oreilles des « anciens », il prenait une dimension proche de l’absolu : les mouettes ne sont pas revenues, pour la première fois en près d’un demi-siècle. Même lors des assecs, rares sur cet étang, on faisait la différence.

...Soudain le silence

On avait acquis, au fil du temps, cette capacité à assimiler la présence simultanée des mouettes et de l’eau et, à l’inverse, l’absence d’eau égalait l’absence, alors explicable, logique, des mouettes. L’absence des mouettes, avec un étang que les paysans « sentaient » en eau, avait pris une dimension pesante pour ce couple, en fin de parcours professionnel. D’un coup d’un seul, il comprenait, à l’écart du monde, qu’une page était définitivement tournée.

Population actuelle :

Reproduction : 3400 individus répartis en 7 colonies (2008).

Hivernage : plus 15000 individus sur un seul dortoir.


  1. Vers de terre []
  2. canards plongeurs comme le milouin, le morillon). Il n’est pas rare que, même le Vanneau huppé Vanellus vanellus et l’Echasse blanche Himantopus himantopus, puissent se joindre au vacarme de leurs hôtes lorsque l’étang répond simultanément à toutes leurs exigences.

    Mais les colonies de mouettes sont de moins en moins nombreuses : 2000 à 2200 couples en 8 colonies en 2009, contre environ 5000 couples pour 26 colonies en 1999. Entre ces deux dates une tendance régulière, lourde à la diminution. A titre de comparaison, le Forez, avec trois fois moins d’étangs, en compterait environ sept mille ((Guide du naturaliste en Dombes, éd. Delachaux et Niestlé []