Les Anatidés, autrement dit : les canards
Ils ont fait la première réputation de la terre dombiste, au même titre que celle d’autres terroirs : Brenne, Sologne… Terroirs autrefois consacrés par la chasse. Ils sont devenus un des moteurs essentiels de l’économie locale. La pérennité de leurs populations nicheuses devient une préoccupation immédiate. D’eux dépend pour partie le maintien en eau des étangs, et l’avenir des autres espèces.
Jusqu’à 9 espèces de canards sensu stricto, du plus commun d'entre eux, le Canard colvert Anas platyrhynchos, jusqu'au prestigieux et rarissime Fuligule nyroca Aythya nyroca (Directive Oiseaux) se reproduisent en Dombes, plus ou moins régulièrement, et avec plus ou moins de succès.
Depuis le début des années 1990, deux nouveaux Anatidés se reproduisent en Dombes : le Tadorne de Belon Tadorna tadorna et l’Oie cendrée Anser anser. Le 1er encore occasionnellement, la 2nde, très régulièrement.
En 2003 est apparue une nouvelle espèce nicheuse : l’Ouette d’Egypte Alopochen aegyptiaca, espèce introduite en Europe et précédée par la réputation d’être envahissante…
Le Canard chipeau
La situation de cet élégant canard, dont le plumage inhabituellement sobre recèle de subtilités imperceptibles à distance, est particulièrement préoccupante. La prairie des bords d’étangs a fait place à des cultures. Les rares prairies de fauche sont récoltées bien avant que les nids du chipeau Anas strepera n’éclosent. Seules des modifications importantes des pratiques agricoles actuelles lui seraient favorables : les Mesures Agri-Environnementales Territorialisées (MAET), en réaffectant une superficie de prairies significative à proximité des étangs, et dont la date de fenaison serait adaptée au cycle de reproduction de l'espèce, pourraient d’ores et déjà aider au maintien de la population.
Population actuelle
A la fin des années 70, 1300 couples se reproduisent en Dombes sur les 1800 que compte le pays tout entier. A la fin des années 80, la population locale est au plus estimée à 400 couples. Le nombre annuel de nichées peut être estimé entre 100 et 200 au début des années 2000.
La Sarcelle d’été
La Sarcelle d’été Anas querquedula est strictement migratrice. Elle est le dernier des canards à quitter les mares de l’Afrique subsaharienne où elle hiverne par centaines de milliers. Elle réapparaît par petits groupes sur les étangs à partir de fin mars, le plumage des mâles repeint aux couleurs du ciel, bleu et nuage. A l’instar du Chipeau, au fur et à mesure de la disparition des prairies de fauche qui bordaient l’étang, elle est devenue un des canards nicheurs les plus rares de Dombes.
Population actuelle :
Les preuves de la réussite de la reproduction de la Sarcelle d’été sont rares. Sans doute les petits groupes de 3 à 6 sarcelles observées en juillet sont le fait de nichées locales. Rarement plus d’une nichée connue annuellement.
La Sarcelle d’hiver
Le plus petit canard européen se mêle fin août aux sarcelles d’été déjà prêtes au départ.
Toujours discrète, la Sarcelle d’hiver Anas crecca se tient à l’abri de la végétation aquatique. Quelques sifflements mélodieux et un peu mélancoliques, émis par les mâles trahissent leur présence. Le gel les poussera vers la Camargue où elles hivernent massivement.
Population actuelle :
Malgré la régulière observation d’oiseaux estivants les citations de pontes et de nichées de Sarcelle d’hiver sont exceptionnelles. Le dernier connu (M. Benmergui/ONCFS) date de 1991.
La population hivernante est variable : annuellement les rassemblements les plus importants peuvent atteindre un millier d’oiseaux. L’effectif total ne semble qu’occasionnellement excéder ce chiffre.
Le Canard souchet
Autrefois régulier, le Canard souchet Anas clypeata, autre nicheur inféodé aux prairies humides, ne fournit plus qu’occasionnellement des preuves sa reproduction. C’est surtout un migrateur transsaharien. Sa présence est souvent associée à celle du Vanneau huppé et de l’Echasse blanche, témoignant d’étangs de peu de fond.
Population actuelle :
Peut-être 300 couples dans les années 70 (CORA). Sans doute inférieure à 20 couples. Occasionnellement une nichée apporte la preuve de la reproduction de l’espèce. Dernière en date 2007.
Hivernage : environ 300 individus au cours des années 2000 ; peut atteindre jusqu’à 700 individus (1992/1993).
Le Fuligule morillon : reflets dans un œil d’or...
Sa tenue de majordome dont le vent relève la huppe tombant sur sa nuque n’autorise aucune confusion. Un quart de siècle, entre le début des années cinquante et 1980, voit successivement la colonisation du morillon Aythya fuligula, en Dombes, son expansion, puis son déclin.
Ailleurs toutefois plus au nord (Champagne, Lorraine) et à l’Ouest (Lac de Grand-Lieu, en Loire Atlantique) du pays, cette expansion se poursuit.
Il est souvent décrit comme une espèce colonisatrice et force est de constater la présence de nichées en des lieux insolites, tels des ballastières, des lagunages, des bassins de décantation, des stations d’épuration…
Si la population printanière peut être estimée entre100 et 150 couples le nombre de nichées n’excède pas une cinquantaine annuellement.
Hivernage : semble décroître durant la dernière décennie : 500 individus en moyenne.
Le Fuligule milouin
Désigné localement par son surnom de « rougeot » le Fuligule milouin Aythya ferina s’est imposé, en un demi-siècle, comme la seconde espèce de canard nicheur, ses effectifs approchant ceux du colvert toujours abondant mais dont l’origine sauvage devenait de plus en plus douteuse.
Après la seconde guerre mondiale, de nouvelles politiques de gestion hydraulique (lacs réservoirs destinés à la production d’énergies, extraction de granulats) ou agricole (drainage, assèchement de vastes complexes humides) sont appliquées dans l’est de l’Europe. La première favorise l’hivernage des fuligules. La seconde s’exerce au détriment des sites de nidification.
Entre exode et migration, venant de Sibérie, d’Ukraine et des pays baltes, drainés par le Rhône et le Rhin, par le Danube et les lacs alpins, les fuligules trouvent les étangs de Dombes.
Leurs effectifs sont spectaculaires lors de la remontée de février. Les étangs se parent soudain d’argent : une lourde étole de milliers d’oiseaux au plumage parfait, resplendit dans les lumières les plus crues et durant les températures les plus vivifiantes de l’année.
Mais, le revers de la médaille n’a rien d’étincelant. Le rougeot, de moins en moins, réussit sa reproduction, à l’instar des autres canards… Son abondance entre novembre et février ne reflète pas la brutale réalité de la condition des oiseaux qui se reproduisent ici (voir à ce sujet la page : aux sources de l'équilibre/l'évolution des peuplements d'oiseaux).
Sans doute de l’ordre d’un millier de couples potentiels : mais un nid sur trois en moyenne atteint le stade de l’éclosion.
L’hivernage est variable, dépendant des conditions d’accueil sur les étangs, du gel notamment. De quelques centaines à près de 10000 individus en décembre. La migration prénuptiale peut totaliser simultanément jusqu’à 25000 individus en février.
La Nette rousse
voir également : album PICASA
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Beaucoup décernent à la Nette rousse Netta rufina le titre de plus beau canard d’Europe. A n’en pas douter, il est un des plus originaux. Le mâle arbore seul les tons chauds qui lui confèrent une allure quasi exotique. Les lacs alpins, helvétiques et bavarois, concentrent plusieurs milliers de ces oiseaux en hiver. Cette proximité traduit une récente modification des habitudes d’hivernage de l’espèce. Elle pourrait valoir à la Dombes de devenir la plus importante station de nidification du pays.
Le parasitisme des nids d’autres espèces de canards est un trait occasionnel du comportement reproducteur de la Nette rousse.
Population actuelle :
Peut-être le seul Anatidé en expansion. Une expansion relative limitée par une faible productivité des couples. Le 3ème Anatidé en fréquence comme en abondance après le Canard colvert et le Fuligule milouin.
Ses effectifs en début de printemps avoisinent 500 individus.
Hivernage limité à quelques individus : l’essentiel se rassemblant par milliers sur les lacs suisses.
Le Fuligule nyroca
Le nyroca Aythya nyroca est un des canards les plus rares, les plus mythiques d’Europe. Notre région demeure un de ses derniers fiefs en notre pays, du moins un de ceux où il a tenté le plus régulièrement de se reproduire.
Une tentative de réintroduction a échoué au milieu des années 70. Entre 2000 et 2010, les nichées de 1 ou 2 couples sont régulières, très localisées, sur un site (ou à proximité) particulièrement géré et protégé : les étangs de la Fondation P. Vérots.
Le contexte écologique est toutefois globalement peu favorable à l' expansion du nyroca. Un renforcement artificiel de ce noyau (naturel ?), est actuellement à l'étude, à l'initiative du Parc des Oiseaux de Villars les Dombes ; son intérêt serait augmenté dans la mesure où il eût été précédé d’une restauration significative des milieux.
Population actuelle :
Régulier en hivernage parmi les rassemblements de fuligules, son effectif peut au mieux totaliser simultanément jusqu’à une dizaine d’individus. Sa reproduction est annuelle depuis la fin des années 1990 : un noyau de quelques couples semble s’est formé dans l’ouest de la Dombes, autour de St Jean-de-Thurigneux. Il est irrégulièrement cité dans d’autres secteurs.
Le seul Anatidé de la Directive Oiseaux (espèce protégée).
En hiver
En hiver
Homochrome sous la brume qui absorbe l’horizon et noie le paysage, l’hiver fige la surface des plans d’eau depuis trois semaines au moins. Une édition rigoureuse, mais ni plus ni moins qu’un mois de janvier normal, a repoussé sur les cours d’eau majeurs - le Rhône et la Saône voisins, les oiseaux qui avaient cru pouvoir s’attarder ici. Sans cela ils auraient sans doute bravé la chasse, profité des eaux enrichies des grains abandonnés par la récolte de la culture de l’assec.
La masse de quelques cygnes entretient quelque temps encore un trou d’eau qui permet à d’autres oiseaux de s’alimenter.
Dans la nature durablement engourdie, les rencontres hivernales se font rares : faute d’un Aigle criard Aquila clanga (au moins l’un d’eux fréquente régulièrement la Dombes depuis la fin des années 90 - ou d’un Pygargue à queue blanche Haliaeetus abicilla, puissants visiteurs rapaces nous parvenant occasionnellement des confins septentrionaux et orientaux de l’Europe, une modeste Buse variable Buteo buteo n’en endosse que plus d’intérêt…
… qui hésite, à l’approche d’un danger, à abandonner son piquet de clôture et, ce faisant, à perdre de précieuses calories : les lombrics, qu’elle ne peut dédaigner lorsqu’ils constituent la seule disponibilité alimentaire, se sont enfoncés profondément dans le sol, hors de l’atteinte fatale du gel. La chance lui sourira peut-être sous la forme d’une vie affaiblie d'un faisan ou même d’un canard (dont elle n’est autrement pas coutumière), et plus surement encore, la route lui offrira de se repaître d'un cadavre de ragondin.
Alors incapable de retenir ses oiseaux au plus froid de la saison, la Dombes fait pâle figure si l’on compare ses effectifs hivernaux de canards avec ceux de Camargue, ou de Brenne, deux régions désignées au titre de la Convention de Ramsar.
Cette convention internationale, signée en 1971 à Ramsar, une ville d'Iran, vise la conservation des zones humides de première importance tant pour leur flore ou leur faune, que pour les populations humaines qui vivent à sa proximité. La France est depuis 1986 un des pays adhérents, avec 17 sites inscrits en 2000. Chaque pays signataire s’est engagé à entreprendre les démarches nécessaires à la conservation de ces sites. Pour faire court, pour être éligible au titre de « Ramsar » un site doit accueillir à un moment donné au moins 20000 oiseaux, essentiellement des oiseaux d’eau, ou 1% de la population nicheuse d’une espèce donnée. Pour ce qui nous concerne il s’agit des populations d’oiseaux qui transitent entre l’Europe Occidentale et le Sahel, également nommé Paléarctique Occidental.
Si, au contraire, l’anticyclone de Sibérie paralyse l’Europe centrale ou fait mine d’approcher nos frontières, la Dombes, non prise par le gel, loin de chasser ses hôtes, pourra alors jouer un rôle de refuge. De temps à autre, poussés au sud par ces masses d’air septentrionales, tempétueuses et glacées, quelques hôtes inhabituels y échouent : un Fuligule milouinan, un Cygne chanteur, un Garrot à œil d’or…
Soudain, la migration…
Tout d’un coup, dès la première amélioration météorologique, la remontée spectaculaire de vingt-cinq ou trente mille Fuligules milouins s’abat sur les eaux enfin libérées. Les « rougeots » se font pardonner de la plus éclatante manière leur abandon passager. Ils précèdent, en leur massive escale, le passage des Siffleurs et des Pilets, l’arrivée des Souchets et, sur le tard, celle des Sarcelles d’été.
C’est en cette saison que la Dombes justifie à son tour son inscription sur la liste des sites « Ramsar ». Pour l’avifaune migratrice, ce n’est donc pas lors de l’hivernage de la mi-janvier que le site prend son absolue dimension, celui d’une escale incontournable sur le trajet des migrations, mais durant la migration prénuptiale avant l’ultime dispersion vers les sites de reproduction.