Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

24oct/10Off

Vernes et vorgines

Au contact de l’étang, là où les sols se ressuient difficilement, et même demeurent par périodiquement inondés, le Chêne et le Bouleau sont précédés de l’Aulne et du Frêne, eux-mêmes suivis du saule.

L’Aulne glutineux Alnus glutinosa, en peuplements homogènes, conserve toujours l’apparence d’un frêle bois temporaire, d’un gaulis un peu maigrelet, un peu tordu, qui corrobore l’idée ancienne que l’on se faisait du marais : son insalubrité se reflèterait même jusque dans ses ligneux ! On retrouve l'appellation vernaculaire de l'aulne "la verne" dans le nom de plusieurs étangs : Vernay, Vernayes, Vernai [1]...

Aulnaie marécageuse

Une Aulnaie inondable

Au contraire en bourrelets ronds et denses, le Saule – en fait un groupement complexe concernant plusieurs espèces parfois hybridées : Salix alba, cinerea, caprea - est désigné régionalement sous le vocable générique « vorgine ». Il offre des lieux une physionomie plus souriante, bonhomme, un feuillage cendré compact et frémissant.

Une saulaie en queue d'étang

Une saulaie en queue d'étang

Au contraire en bourrelets ronds et denses, le Saule – en fait un groupement complexe concernant plusieurs espèces parfois hybridées : Salix alba, cinerea, caprea - est désigné régionalement sous le vocable générique « vorgine ». Il offre des lieux une physionomie plus souriante, bonhomme, un feuillage cendré compact et frémissant. Il constitue le milieu privilégié par les « petits hérons » Bihoreau gris, Aigrette garzette, entre autres, pour y nicher en colonies.

Une colonie de petits hérons arboricoles dans des saules

Une colonie de petits hérons arboricoles dans des saules

Hérons garde-boeufs & Bihoreau dans des saules

Hérons garde-boeufs & Bihoreau gris dans les saules

Une Mésange boréale

Mésange boréale

La Leucorrhine à gros thorax

L’étagement d’une large succession végétale inondée, depuis la surface de l’eau, jusqu’au stade arborescent qui borde l’étang, ainsi qu’une une charge modérée en ichtyofaune [2] herbivore, favorisent le maintien en Dombes d’une rareté nationale, une Libellule qui est devenue de ce fait, un des enjeux prioritaires de conservation patrimoniale en Dombes (Natura 2000) : La Leucorrhine à gros thorax Leucorrhinia pectoralis est en effet inscrite à l’annexe 2 de la Directive Habitats. Les moyens de sa conservation et de la restauration des milieux favorables sont actuellement appliqués dans le cadre des Mesures Aqua-Environnementales en cours.

Cf. § "Etang sale et biodiversité : Zoom sur la Leucorrhine à gros thorax"

Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) mâle

Leucorrhine à gros thorax

  1. essentiellement à Joyeux et à Saint-Paul-de-Varax []
  2. Les poissons []
24oct/10Off

Etang « sale » et biodiversité

Un étang « sale » se dit d’un étang plus ou moins envahi par la végétation aquatique, jusqu’à être totalement colmaté. Il s’agit d’une notion toute relative : elle relève essentiellement de la culture locale qui entretient des rapports symbiotiques à la pisciculture. L’étang sale est souvent associé à une faible activité piscicole, voire à son abandon. Ce qui n’est évidemment pas systématique. L’étang sale n’existe ni pour le naturaliste, ni, en principe, pour le chasseur : mais tous se rejoignent sur l’utilité de l’entretien régulier de l’étang.

Etang Victor, Rignieux le Franc, 2009

Un gestionnaire a préservé la "queue" de son étang à des fins biodiversitaires

L’écosystème n’est complet que lorsque chaque ceinture végétale est représentée. A la jonchaie et à la roselière succèdent en théorie, depuis le bord jusqu’au centre de l’étang, une végétation annuelle amphibie, la « sparganiaie », puis des formations végétales immergées ou flottantes, comme la Châtaigne d’eau et la Villarsie faux-nénuphar.

En fait, chaque étang répond aux exigences d’une gestion différente de celles du voisin. Le profil de ses berges diffère. Il possède ses propres caractéristiques physiques et biochimiques, ses propres réserves botaniques, enfouies et dormantes, et qui attendent leur heure avant de germer, ou d’être colportées dans l’eau (ce phénomène de dispersion est nommé « hydrochorie ») via les biefs ou la faune (« zoochorie »).

C’est ainsi que l’on conçoit la Dombes : dans sa variété.

Un étang change au fil du temps

...Une jonchaie

Un étang change au fil du temps

...ceinture de baldingère, également appelée Phalaris

Oenanthe aquatique : appellé couramment "carotte"

Un étang changeant d'une année à l'autre au rythme du temps, de sa vie propre...

Les étangs sont complémentaires les uns des autres : traversant benoîtement une chaussée, la cane quitte celui sur lequel vient d’éclore sa nichée pour l’emmener se sustenter sur l’autre. Le Blongios navigue d’une haie de phragmite à l’autre, « enjambant » d’un coup d’ailes indifférent la digue ou le bitume qui les sépare.

L’étang nécessite un entretien régulier sous peine d’envahissement par la végétation qui l’entraîne rapidement vers son colmatage puis son assèchement. Bien avant ce stade, l’étang aura déjà perdu de son intérêt : il sera devenu impropre à la pisciculture, aura perdu l’essentiel de sa richesse biologique. La pratique de l’assec trouve en grande partie son origine dans cette obligation.

"Sale" ou non, un étang répondant aux souhaits de son gestionnaire

Il est tentant, pour l’exploitant piscicole de l’étang –bien moins pour le chasseur - de réduire à son minimum l’emprise de la végétation spontanée : d’une part, on réduit la contrainte liée aux travaux d’entretien; d’autre part, on augmente sensiblement le volume et la superficie en eau tout en limitant sa déperdition par évapotranspiration.

Une eau d’autant plus précieuse lorsque le bassin versant, la pluviométrie, voire les relations de voisinage, sur la question du partage de l’eau, font défaut.

Les étangs supportent (et surtout supportaient par le passé), sans que cela grève leur production, une proportion de l’emprise végétale correspondant à 10 ou 15 % de leur superficie totale. Cette proportion suffit, mais c’est un minimum, à leur conférer une réelle richesse biologique. Convenablement inondée, comportant ouvertures, « clairières » travées ou chenaux, la végétation aquatique protège efficacement le poisson comme l’oiseau de leurs prédateurs respectifs. Elle favorise le frai spontané du premier, la nidification du second, et, nous l’avons vu précédemment, limite les compétitions inter ou intraspécifiques.

Judicieusement implantée et contrôlée, elle limite par ailleurs les effets de l’érosion aquatique par le batillage.

Au milieu des années 1990 l’emprise de la roselière (au sens large) couvrait 10% de la superficie inondable de l’étang ; 15 ans plus tard son emprise ne dépasse pas 5%.

Entre deux, est passé le Ragondin, dont l'impact indéniable est renforcé d'une part et de façon globale par la fragilisation des végétaux, et d'autre part mais plus localement par une évolution des pratiques dans la gestion de cette même végétation.

Bruxelles et Natura 2000 ont déterminé ainsi les trois types d’habitats prioritaires pour la Dombes au titre de la Directive Habitats :

- Les eaux stagnantes, oligotrophes à mésotrophes avec végétation des Littorelletea uniflorae et/ou des Isoeto-nanojuncetea (Code Natura 2000 : 3130)

- Les eaux oligo-mésotrophes calcaires avec végétation benthique à Chara spp. (Code Natura 2000 3140).

- Les lacs eutrophes naturels avec végétation de type Magnopotamion ou Hydrocharition (Code Natura 2000 : 3150)

Plus simplement, la 1ère catégorie correspond aux vasières, zones largement découvertes en été, les deux autres à la végétation aquatique, essentiellement aux « hydrophytes », groupements végétaux immergés ou émergents : characées, potamots, nénuphars…

La roselière proprement dite (hélophytes) n’est pas considérée comme un milieu prioritaire par la Directive Habitats. Mais heureusement, beaucoup des espèces d’oiseaux qui lui sont inféodées le sont via la Directive Oiseaux.

Zoom sur :

La Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis)

Cette libellule élégante figure dans les annexes 2 et 4 de la Directive Habitats : l'espèce est menacée dans la plupart des pays d'Europe Occidentale, là où son habitat régresse. En Dombes elle peut pourtant être parfois abondante sur les étangs, plutôt forestiers et bénéficiant d'une large ceinture d'hélophytes. L'habitat type est constitué d'un gradient pratiquement complet de végétation depuis la plus haute lisière boisée de l'étang, à chênes ou aulne, à laquelle succèdent des bourrelets de saules, puis la jonchaie-phalaridaie, morcelée, inondée, ouvrant sur des groupements végétaux amphibie à Héléocharys des marais, Iris faux-acore, et Salicaire par exemple.

Puits Pilâtre, Dompierre sur Veyle, fin années 1990

Petite Chabodière, Le Plantay, 2006

Différents habitats de la Leucorrhine en Dombes

La Tille

Etang Grand Clachère, St-Eloi

Après inventaire, et bien qu'elle soit considérée comme sensible à la prédation par les poissons, les étangs de Dombes s'affirment comme un des bastions de sa population nationale.

Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) mâle

Leucorrhine à gros thorax : un mâle identifiable entre tous grâce à la tâche jaune de son 7ème segment abdominal

A elle seule cette libellule définit donc un habitat caractéristique pris en compte dans les politiques locales environnementales et notamment de la mise en œuvre du programme Natura 2000 : ainsi les étangs répondant à la description de ce milieu peuvent-ils bénéficier de mesures spécifiques en vue de sa conservation.

Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) mâle

Leucorrhine à gros thorax : un autre caractère distinctif, sa face blanche

Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) mâle

Identifiable même à distance !

Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) : accouplement

Leucorrhine à gros thorax : accouplement