Dombes, d’hommes et d’oiseaux La passion de la Dombes

24oct/10Off

Les vasières

La pluie tarde à revenir. Le pêcheur espère les orages estivaux pour remettre l’étang à niveau. Le paysan craint que ceux-ci versent l’orge ou le foin. Les carpes, au bord de l’asphyxie, trouvent encore l’énergie nécessaire pour frayer, la nageoire dorsale dépassant largement hors de l’eau. L’évaporation rapide a découvert des plages que la végétation n’a pas encore pris le temps de coloniser.

Vasière estivale sur un étang

Une vasière telle qu'en laissent apparaître certains étangs au cours de l'été

Morillons et foulques s'alimentant sur une vasière

Des oiseaux viennent muer et s'alimenter sur les vasières

une femelle Vanneau huppé et ses jeunes sur une vasière

Une femelle Vanneau mène ses jeunes se nourrir sur une vasière

Les canards y viennent muer de juin à août. Les limicoles en transit les arpentent, en quête d’invertébrés et de jeunes batraciens pour tout repas.

Un premier gazon fin du pionnier Scirpe « à tête d’épingle » Eleocharis acicularis recouvrira la vasière, suivi de l’originale Damasonie en étoile Damasonium alisma , d’un Carex de Bohème. Plus rarement s’y développeront quelques pieds de la rare Limoselle, des emblématiques Flûteau nageant Luronium natans et Marsilée à quatre feuilles Marsilea quadrifolia. La conservation et la restauration des habitats favorables à ces deux espèces végétales est prioritaire dans le cadre d’application de la Directive Habitat, repris par Natura 2000.

La vasière ne se distingue pas par une débauche de couleurs, comme les végétations de pleine eau, flottante et amphibie. Ses subtilités végétales sont autres. Elles s’affirment dans une gamme étendue d’adaptations et de formes. Elles interpellent un regard affûté.

Ces milieux, temporairement inondables, sont rares dans notre paysage européen fortement industrialisé et urbanisé.

La Dombes, grâce au profil si caractéristique de ses étangs, est dépositaire de peuplements végétaux parmi les plus sensibles de notre patrimoine naturel.

Sur d’autres étangs des vasières sont apparues dès la fin de l’hiver par manque d’eau à la suite de la dernière pêche. Ces vasières précoces favorisent l’émergence d’une communauté végétale des plus riches. A cet effet, dans les années 1990 des programmes environnementaux (« Action Communautaire pour la Nature » ou « LIFE ») ont permis de créer des vasières artificielles précoces dont les premiers bénéficiaires sont les sarcelles et les premiers limicoles de la migration remontante - bécassines, chevaliers – mais avant tout ceux d’entre eux qui se reproduisent ici.

une vasière colonisée par la végétation

Cette vasière est apparue tôt au printemps : la végétation l'a déjà en partie colonisée

Ces mesures trouvent actuellement un prolongement dans la mise en œuvre des Mesures Aqua-Environnementales.

Quelques plantes caractéristiques des vasières :

Scirpe mucroné

Scirpe mucroné (détail) :protection régionale

Flûteau nageant

Flûteau nageant : protection nationale, Directive Habitat

Limoselle aquatique

Limoselle aquatique : protection régionale, se raréfie.

Jonc nain

Jonc nain : un hélophyte rare

Damasonie en étoile

Damasonie en étoile : protection nationale

23oct/10Off

En hiver

En hiver

Homochrome sous la brume qui absorbe l’horizon et noie le paysage, l’hiver fige la surface des plans d’eau depuis trois semaines au moins. Une édition rigoureuse, mais ni plus ni moins qu’un mois de janvier normal, a repoussé sur les cours d’eau majeurs - le Rhône et la Saône voisins, les oiseaux qui avaient cru pouvoir s’attarder ici. Sans cela ils auraient sans doute bravé la chasse, profité des eaux enrichies des grains abandonnés par la récolte de la culture de l’assec.

La masse de quelques cygnes entretient quelque temps encore un trou d’eau qui permet à d’autres oiseaux de s’alimenter.

Dans la nature durablement engourdie, les rencontres hivernales se font rares : faute d’un Aigle criard Aquila clanga (au moins l’un d’eux fréquente régulièrement la Dombes depuis la fin des années 90 - ou d’un Pygargue à queue blanche Haliaeetus abicilla, puissants visiteurs rapaces nous parvenant occasionnellement des confins septentrionaux et orientaux de l’Europe, une modeste Buse variable Buteo buteo n’en endosse que plus d’intérêt…

… qui hésite, à l’approche d’un danger, à abandonner son piquet de clôture et, ce faisant, à perdre de précieuses calories : les lombrics, qu’elle ne peut dédaigner lorsqu’ils constituent la seule disponibilité alimentaire, se sont enfoncés profondément dans le sol, hors de l’atteinte fatale du gel. La chance lui sourira peut-être sous la forme d’une vie affaiblie d'un faisan ou même d’un canard (dont elle n’est autrement pas coutumière), et plus surement encore, la route lui offrira de se repaître d'un cadavre de ragondin.

Une Grande aigrette a capturé un poisson sur un étang pris par la glace

Une Grande aigrette doit se ocntenter de la portion congrue...

Buse variable se nourrissant d'un ragondin trouvé mort

Un ragondin, tué sur une route, fait l'affaire dune Buse variable en cette période de froid.

Alors incapable de retenir ses oiseaux au plus froid de la saison, la Dombes fait pâle figure si l’on compare ses effectifs hivernaux de canards avec ceux de Camargue, ou de Brenne, deux régions désignées au titre de la Convention de Ramsar.

Cette convention internationale, signée en 1971 à Ramsar, une ville d'Iran, vise la conservation des zones humides de première importance tant pour leur flore ou leur faune, que pour les populations humaines qui vivent à sa proximité. La France est depuis 1986 un des pays adhérents, avec 17 sites inscrits en 2000. Chaque pays signataire s’est engagé à entreprendre les démarches nécessaires à la conservation de ces sites. Pour faire court, pour être éligible au titre de « Ramsar » un site doit accueillir à un moment donné au moins 20000 oiseaux, essentiellement des oiseaux d’eau, ou 1% de la population nicheuse d’une espèce donnée. Pour ce qui nous concerne il s’agit des populations d’oiseaux qui transitent entre l’Europe Occidentale et le Sahel, également nommé Paléarctique Occidental.

Si, au contraire, l’anticyclone de Sibérie paralyse l’Europe centrale ou fait mine d’approcher nos frontières, la Dombes, non prise par le gel, loin de chasser ses hôtes, pourra alors jouer un rôle de refuge. De temps à autre, poussés au sud par ces masses d’air septentrionales, tempétueuses et glacées, quelques hôtes inhabituels y échouent : un Fuligule milouinan, un Cygne chanteur, un Garrot à œil d’or…

Cygne chanteur

Un hivernant exceptionnel : le Cygne chanteur

Fuligule milouinan

Garrots à œil d'or (mâles) : un hivernant septentrional régulier en Dombes à laquelle il préfère toutefois les fleuves et lacs périphériques

Soudain, la migration…

Tout d’un coup, dès la première amélioration météorologique, la remontée spectaculaire de vingt-cinq ou trente mille Fuligules milouins s’abat sur les eaux enfin libérées. Les « rougeots » se font pardonner de la plus éclatante manière leur abandon passager. Ils précèdent, en leur massive escale, le passage des Siffleurs et des Pilets, l’arrivée des Souchets et, sur le tard, celle des Sarcelles d’été.

C’est en cette saison que la Dombes justifie à son tour son inscription sur la liste des sites « Ramsar ». Pour l’avifaune migratrice, ce n’est donc pas lors de l’hivernage de la mi-janvier que le site prend son absolue dimension, celui d’une escale incontournable sur le trajet des migrations, mais durant la migration prénuptiale avant l’ultime dispersion vers les sites de reproduction.

Le déferlement des Fuligules milouins, étang du Chapelier (Versailleux)